Un néo-polar très habilement scénarisé, porté par des dialogues et un casting qui font des étincelles. Seul reproche : une griffe visuelle un peu glacée.
Usual Suspects n’est pas un cadeau pour les critiques paresseux puisque son intrigue est pratiquement impossible (ou trop longue) à résumer. Le scénario progresse selon un écheveau assez touffu de temporalités et de points de vue divers dont la complexité rappelle celle de la trame à dormir debout du Grand Sommeil. Il s’agit de démanteler un puissant réseau de banditisme et, surtout, de prendre au piège un certain Keyser Soze, le diabolique et mythique grand patron des gangsters, un genre de super-Mesrine totalement insaisissable. Ce bon vieux Soze est même tellement volatil qu’à un moment tout le monde se met à douter de son existence : truands, keufs et… spectateurs, chacun moulinant les mêmes questions. Bon sang, qui est Sose ? Où se cache-t-il ? Et si Soze était un personnage wellesien, un cousin éloigné de Monsieur Arkadin qui fabriquerait son existence de toutes pièces, un démiurge machiavélique qui élaborerait sa propre mythologie… Si le film de Singer réfléchit constamment sur son médium, il est aussi chargé de tout ce qui fait les polars jouissifs à l’américaine : un suspens tenu jusqu’au bout, quelques scènes d’action réglées au millimètre, des dialogues velus et une brochette d’acteurs formidables qui savent joindre le corps à la parole ce talent bien américain pour faire gicler les répliques tout en habitant l’écran de toute sa chair. Finalement, on regrettera simplement que la facture visuelle d’Usual suspects soit trop léchée, ou que la mise en scène se laisse aller
à des coquetteries d’autant plus dommageables qu’elles sont inutiles.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}