Une saison en France

A l’aune des polémiques sur les migrants, ce film est brûlant. Encore convient-il de préciser qu’Une saison en France est calme, posé, implacable, et que si le regard de Mahamat-Saleh Haroun sur la France est radicalement critique, il n’est en rien polémique. Derrière les abstractions des chiffres et théories sociopolitiques, il y a des vies humaines et c’est cela que filme le cinéaste.

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En l’occurrence, le quotidien anxiogène d’Abbas (remarquable Eriq Ebouaney, acteur économe de ses effets, charismatique, tout en intense intériorité), prof de français venu de Centrafrique, vivant en couple avec Carole (Sandrine Bonnaire, qui après Prendre le large de Gaël Morel confirme son beau retour), élevant ses enfants scolarisés en France : tout irait bien si Abbas n’attendait pas ses papiers officiels de réfugié. Dans cette situation de transition qui dure, il est contraint de vivre d’un travail au noir (vendeur sur les marchés) qui ne correspond en rien à ses diplômes, alors que l’incertitude quant à son proche avenir le ronge.

Que manque-t-il à ce film d’une sobriété et d’une dignité admirables, à ce cri de colère murmuré, pour nous emballer sans réserve ? Peut-être un peu de surprise, de trouble, de mystère, un jeu dialectique qui viendrait résister à la logique dénonciatrice. Ainsi, Abbas est bon amant, bon père, bon travailleur : on comprend que Haroun veuille dépeindre un réfugié exemplaire, mais les individus qui ne sont pas des saints devraient avoir accès aux mêmes droits (et devoirs) que tout un chacun.

Plus généralement, la situation inique faite aux réfugiés par les choix de nos dirigeants est (hélas) aussi prévisible que sa dénonciation. On adhère ainsi à ce que montre Mahamat-Saleh Haroun tout en regrettant que le film, attachant, soit un brin trop conforme à ce qu’on en attend.

Une saison en France de Mahamat-Saleh Haroun (Fr., 2018, 1 h 30)