Destins entrecroisés de quelques étudiants chinois après la révolte de Tian’an Men.
L’ambition affichée par Lou Ye dans Une jeunesse chinoise n’est pas des moindres : articuler le destin d’une jeune femme avec l’histoire de son pays, entrelacer l’intime et le collectif sans pour autant les réduire strictement l’un à l’autre. Comme un couple à la fois uni et libre. Difficile art de la fresque, qui exige un réel talent d’équilibriste et un sens affûté du croquis. C’est dans la Chine agitée des années 80 que commence ce long voyage qui ne craindra pas le détour – ou le raccourci – situé près de la frontière coréenne : une jeune fille reçoit des mains de son fiancé sa lettre d’admission à l’université de Pékin, message à double tranchant qui devient aussi, malgré leur amour, lettre de rupture. C’est alors une telle chance de pouvoir accéder aux études, que toute tergiversation sentimentale serait presque déplacée. A l’image, le tournant amorcé n’est pas si abrupt que ça. La caméra rivée sur la moue boudeuse de sa belle actrice, le réalisateur se laisse aveugler par ses charmantes mais lassantes minauderies. Vue à travers ce prisme vaporeux, la réalité politique paraît bien inconsistante, surtout quand viennent se greffer les réflexions tartes de Yu Hong (Hao Lei) sur l’amour, extraites de son journal intime. Une jeunesse chinoise rate le coche et ne saisit qu’à contretemps – pour ne pas dire à contresens – la révolte politique qui soulève la jeunesse chinoise, en partie à cause de l’artificialité de son ancrage dans l’intimité de son personnage féminin. La passion qui unit Yu Hong à un étudiant nous coupe plus des événements en cours qu’elle ne nous permet d’y accéder. Par exemple, la menace de punition encourue lors des ébats amoureux dans les dortoirs ne devient tangible que bien tardivement, quand l’acte sexuel (maintes fois montré quand il s’agit du couple “officiel”) devient le signe d’une trahison amoureuse et amicale. Lou Ye donne alors l’impression de ne se servir du contexte répressif que quand ça l’arrange, discréditant ainsi tout son véritable impact sur la société. Du coup, quand révolte étudiante et répression militaire éclatent, et que ce qui n’était considéré que comme un mince arrière-plan de la fiction prend subitement le dessus, n’émerge que l’illustration habile mais creuse d’une idée romantique et complaisante de la Chine, un peu à côté de la plaque, il faut bien le dire…
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