Beau mélo moderne, où la maladie d’un enfant révèle les contradictions de la classe moyenne chinoise.
Un mélodrame froid et sec, comme le décor et comme le climat, grisâtres. Mais est-ce bien un mélodrame ? Oui et non, dans la mesure où il manque d’irrationalité pour atteindre le lyrisme du mélo, qui nécessite l’outrance. Ici, les débordements, les errements, les dilemmes, les conflits sont canalisés, raisonnés, contenus. D’une certaine manière, ce film du milieu, focalisé sur un point précis, la maladie d’une fillette, une leucémie, qui pousse sa mère à envisager toutes les solutions pour sa guérison, même les plus invraisemblables, préfigure l’avenir du cinéma chinois, détaché de tout pittoresque pour se fondre dans un continuum narratif indifférencié allant des séries télé US au cinéma d’auteur européen. “Lorsque nous avons cherché les décors du film, dit Wang Xiaoshuai, nous avons choisi les lieux les plus ordinaires. Mon intention était de donner à voir ce nouveau Pékin (…) de plus en plus froid et triste. Il n’existe plus de relation entre les voisins. Les gens ne se connaissent plus.” Peut-être Une famille chinoise inaugure-t-il, à sa manière discrète, une septième génération du cinéma chinois, au diapason de la prospérité industrielle du pays.
En tout cas, on est aux antipodes des démonstrations de riche antiquaire de Zhang Yimou ou des postures modernes de Jia Zhangke, pur artiste conceptuel qui filme comme un peintre. Paradoxalement, dans cette facture neutre – revendiquée par Xiaoshuai –, on retrouve quelque chose des drames d’antan, ceux des années 1960-80, où la Chine de la Révolution culturelle faisait table rase de la tradition pour édifier une société certes très dogmatique, mais qui annonçait le pragmatisme actuel ; l’argent a remplacé le credo politique. Pragmatisme qui pousse la mère à envisager de faire un enfant avec son ex-mari, pour que leur fille malade puisse avoir un donneur compatible… Cela n’étant qu’un prétexte scénaristique pour exprimer, à l’instar de ce décor d’immeubles impersonnels, à quel point les liens sociaux se sont délités avec l’avènement de la prospérité matérielle. Familles déconstruites, recomposées, enfants ballottés. Un monde où même faire l’amour peut être un acte thérapeutique, dénué de passion ou de pulsion. D’où la force discrète et désespérée de ce film, dont le titre sonne presque ironiquement. Une famille chinoise, ce n’est plus la cellule de base de la société, mais une chimère faite de bric et de broc, où tous les liens du sang et les sentiments ont été sacrifiés sur l’autel du progrès économique, vecteur de confort, mais aussi d’indifférence.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}