Après des mois de silence et de batailles juridiques, le dernier film de Jean-Claude Brisseau, « La Fille de nulle part », consacré au festival de Locarno, sortira finalement en France début 2013. Le premier acte du retour d’un cinéaste culte reconverti au cinéma do it yourself.
Que devenait La Fille de nulle part ? Près de quatre mois après sa projection au festival de Locarno, où il reçut la plus haute des récompenses (Léopard d’or) et un accueil critique enthousiaste, le dernier film de Jean-Claude Brisseau semblait perdu dans les limbes de la distribution. La rumeur parlait déjà d’un film maudit, invisible, après que son auteur sulfureux avait décidé, pour des raisons inconnues, de dénoncer le contrat qui le liait à la société de production et de distribution Capricci – pourtant engagée très vite sur le projet. Dans les faits : pas de blocage mais un litige commercial qui opposait les deux parties, laissant le film sans perspective de sortie française – il avait déjà obtenu un mandat de vente international.
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Après des semaines d’intenses négociations, quelques hésitations et retouches coutumières dans ce genre de deal, c’est donc la petite société Acacias Films (à laquelle on doit la reprise du Carrosse d’Or et quelques titres de Hong Sang-soo) qui a obtenu la semaine dernière les droits de distribution de La Fille de nulle Part. Prévue pour janvier ou février 2013, la sortie du film devrait se faire « sur la plus large combinaison de salles possible, en bénéficiant de l’aura intacte du cinéaste et des premiers retours de la presse, pour la plupart très positifs », assure-t-on du côté des Acacias, où l’on attend désormais la réaction des premiers exploitants.
S’il se dit aujourd’hui rassuré par ce nouveau contrat, qui met un terme à une longue période de doute, Jean-Claude Brisseau évoque néanmoins « le moment le plus éprouvant de [sa] carrière ».
« Tout ce qui a concerné ce film, de sa fabrication à cette affaire de distribution, ne m’a provoqué que des ennuis à répétition et des bouleversements psychologiques. Mais au moins, c’est fini maintenant, et je peux passer à autre chose », nous explique le cinéaste, dont cette Fille de nulle part pourrait bien être un nouveau tournant majeur dans sa filmographie.
Une conversion définitive au cinéma do it yourself
Après le relatif échec de son dernier film, le beau A l’Aventure (2008), qui avait réuni à peine 10 000 spectateurs (contre 35 000 pour Les Anges exterminateurs et près de 50 000 pour Les Choses secrètes), le cinéaste reconnaît avoir perdu beaucoup de temps ces dernières années. Il a cumulé les scénarios sans suite, dont un projet très ambitieux et « très cher » sur le parcours criminel de la Bande à Bonnot, avorté faute de financement.
Marqué par ses affaires judiciaires, qui l’ont selon lui « blacklisté auprès des télévisions et des producteurs », Jean-Claude Brisseau est donc revenu à une économie low cost pour La Fille de nulle part, financé grâce à un passage télévisé de son film Noce Blanche, qui lui aurait rapporté 60 000 euros.
Tournée en DV dans un décor d’appartement, et interprétée principalement par le cinéaste lui-même et l’actrice-scénariste Virginie Legeay, cette histoire de transmissions et de fantômes marquait une petite révolution dans le système de Jean-Claude Brisseau :
« C’est la première fois que j’étais en même temps metteur en scène, producteur, scénariste, acteur… c’était trop de responsabilités, se souvient-il. La plus grande difficulté était surtout que je n’avais jamais touché ni à la vidéo ni au montage informatique ; il fallait que je me débrouille avec ces technologies inconnues, et j’ai bien failli perdre l’ensemble de mes rushs à un moment. »
Mais ce retour à l’art pauvre (il réalisait ses premiers films dans les 70’s en super 8) aura aussi paradoxalement redonné au cinéaste de 68 ans une nouvelle confiance et un nouveau désir de tourner, toujours dans la même économie.
« Le numérique m’a offert une sorte de retour aux sources que je souhaite prolonger. Je reviens à cette nostalgie que j’ai toujours eue pour les premiers films de la Nouvelle vague, où primait l’émotion sur la technique. »
Aussi Jean-Claude Brisseau s’est déjà lancé dans l’écriture d’un nouveau scénario, inspiré d’un fait divers survenu récemment en France : un film « néo-classique », qu’il réalisera dans les mêmes conditions que La Fille de nulle part. A propos des financements, il compte sur son dernier film pour provoquer « un déblocage » et « une normalisation » de ses rapports avec l’industrie.
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