La diffusion d’Underground de Kusturica sous forme de feuilleton télé permet de réexaminer plus en détail ce brûlot taxé de pro-serbes au Festival de Cannes 1995, et ce, grâce à une version longue de 5 h au lieu des 2 h 50 initiales , découpée en épisodes. Rappelons en gros l’histoire : pendant l’occupation […]
La diffusion d’Underground de Kusturica sous forme de feuilleton télé permet de réexaminer plus en détail ce brûlot taxé de pro-serbes au Festival de Cannes 1995, et ce, grâce à une version longue de 5 h au lieu des 2 h 50 initiales , découpée en épisodes. Rappelons en gros l’histoire : pendant l’occupation nazie à Belgrade, Marko cache son ami Blacky, fêtard et trafiquant d’armes comme lui, dans le sous-sol de sa maison avec des résistants titistes. En 1945, Marko maintient les troglodytes enfermés en leur faisant croire que la guerre continue. Il devient un apparatchik du régime yougoslave et fait de Natalija, la fiancée de Blacky, sa maîtresse.
Sur le plan idéologique, le film n’est pas réellement attaquable : on n’y trouve pas de vrai point de vue politique ou même « ethnique ». Le discours simpliste du cinéaste se résume à « Tous pourris ! », et ses seules cibles désignées sont les cadres du titisme, assimilés à des mafieux. Qui trouvera à y redire ? Dans le fond, tout cela n’est pas très différent du cinéma américain, qui dénonce régulièrement pouvoir et argent. Evidemment, ici, il y a en sus l’exagération grotesque de la fable…
En rétablissant des scènes coupées au montage, Kusturica confère au film un tempo moins frénétique ; on comprend mieux le pourquoi de cette hystérie permanente, de cette outrance carnavalesque. Malgré la fanfare de cirque qui accompagne les personnages, ce n’est pas tant l’esprit de 8 1/2 de Fellini que le cinéaste cherche à retrouver que le réalisme magique des romans de García Márquez. Vu sous cet angle, le film a un charme naïf et primitif, et ses personnages bouffons, en singeant grossièrement toutes les passions humaines, atteignent à une certaine vérité. Ce n’est pas toujours réussi, mais parfois, comme dans le quatrième épisode (dans la version en six parties), presque entièrement inédit, la mascarade s’avère assez vertigineuse. Marko demande à Natalija d’aller raconter à Blacky qu’elle a été torturée par la Gestapo. Comme elle se refuse à cette comédie, Marko la terrorise. Il la met psychologiquement dans l’état qu’il lui demandait de simuler. Quand il jongle ainsi avec le vrai et le faux, sur plusieurs niveaux, Kusturica se révèle un grand artiste. Cette partie, la meilleure, ne figure hélas pas dans le film sorti en salles…
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