Ligne claire berlinoise, la suite. Les drames d’une famille bourgeoise explorés avec une retenue troublante.
Par un curieux hasard, deux films sortant cette semaine ont pour thème la dépression nerveuse (ou un de ses corollaires en vogue, la bipolarité).
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L’un, Happiness Therapy, est une comédie romantique américaine conçue sur le mode du crescendo euphorisant ; l’autre, Un week-end en famille, s’énonce dans le style retenu et dépouillé de l’école de Berlin, à laquelle on n’aurait pas vraiment associé le cinéaste au vu de ses précédents films, traitant de l’exorcisme (Requiem) et des conséquences de la guerre de Bosnie (La Révélation).
Comme le titre l’indique, il s’agit de la réunion d’une famille : un trentenaire rend visite à ses parents avec son jeune fils ; chez eux, il retrouve son frère et la petite amie de celui-ci. La mère, déprimée depuis des lustres, annonce fièrement que, grâce aux médecines douces, elle a renoncé aux médicaments qui lui permettaient de conserver un semblant de stabilité. La nouvelle plonge ses proches dans la stupeur ; ils s’attendent au pire…
Le plus étonnant n’est pas le sujet, ordinaire, mais la façon dont le film reprend la topographie d’un grand nombre d’œuvres allemandes récentes, comprenant une maison cossue à la campagne et une forêt proche comme antithèse.
Pour autant, ce n’est pas un pâle clone de films de Christian Petzold ou de ses collègues. Schmid emprunte ce décor type pour y camper avec brio une histoire en demi-teintes dissonantes, dont le sujet n’est évidemment pas la maladie de la mère mais plutôt les dysfonctionnements profonds d’un “miracle allemand” qui paraît sans faille.
Demeures confortables, personnages beaux et dignes, mais à l’intérieur, dans les têtes, c’est le capharnaüm. Ou comment, dans les années 2010, le cinéma allemand se situe aux antipodes de l’expressionnisme par lequel il avait débuté. Ligne claire, harmonie, modernité, rien ne va plus.
À ce cauchemar climatisé et policé, le cinéaste oppose comme contrepoint évident, mais parlant et payant, la forêt, lieu immémorial de tous les possibles, des mystères et de l’enfance. Schmid n’est évidemment pas le seul de cette nouvelle new wave à utiliser la forêt. Elle donnait son titre à un film de Christoph Hochhäusler, Milchwald (Le Bois lacté), déclinaison ultramoderne du Petit Poucet. Il y a même eu une récente tentative d’acclimatation du dispositif en France avec La Lisière, produit justement par Hans-Christian Schmid. Ou comment renouer au XXIe siècle avec la tradition romantique allemande.
Dans Un week-end en famille, pas d’effusion, ni même d’étrangeté accentuée ; la forêt est un rêve ou un cauchemar, pas l’endroit d’une résolution. Le travail de sape souterrain se poursuit sans jamais atteindre un choc libératoire.
Tout se délite tranquillement devant nos yeux, mais un ciment invisible maintient les éléments ensemble. D’où la beauté du film, qui montre ces êtres meurtris recollant vaguement les morceaux et continuant à avancer tant bien que mal. Le mystère de la forêt demeurera entier.
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