Entre plateaux de cinéma et chambres à coucher, le cinéaste américain orchestre un fascinant badinage entre Adèle Exarchopoulos, Ben Whishaw et Franz Rogowski.
Le huitième film du cinéaste américain commence par une fausse piste. On entre dans Passages par une scène de tournage dans laquelle Tomas, réalisateur capricieux et égocentrique (Franz Rogowski), s’énerve parce que son acteur n’arrive pas à descendre les escaliers comme il le souhaite. On se dit alors qu’Ira Sachs, qui délocalise son cinéma feutré à Paris après avoir visité la campagne portugaise dans Frankie (2019), y explorera les rapports de domination dans son corps de métier.
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S’ensuit une séquence de fête où Tomas finit par tromper Martin (Ben Whishaw), son copain avec qui il vit depuis des années, avec Agathe (Adèle Exarchopoulos). Et le reste du film délaisse les plateaux de cinéma pour l’intimité des chambres à coucher et le balancement du cœur de Tomas entre ses deux amant·es. Le triangle amoureux plutôt que la mise en abyme du cinéma, Jules et Jim plutôt que La Nuit américaine.
Des scènes de sexe sublimes
Si elle nous renseigne sur le caractère de Tomas, cette première scène expose aussi le projet du film, au détour d’une réplique que le cinéaste adresse à son acteur empêché : “Il s’agit juste d’un instant de transition dont on est en train de faire un drame énorme.” Le drame de Tomas, c’est qu’il est lui aussi incapable d’accomplir une transition entre deux histoires d’amour et que cette incapacité risque de tout détruire.
Les quelques scènes de sexe qui jalonnent le film sont sublimes, notamment celles entre Martin et Tomas, où la caméra s’attarde sur les muscles dorsaux bandés de Ben Whishaw. Ajoutons une direction artistique de pur esthète où chaque couleur, chaque pièce d’étoffe semble avoir été méticuleusement choisie. Le problème est qu’il finit par se produire un léger hiatus entre cette beauté un peu trop lisse et l’extrême cruauté de ce qui se joue entre les personnages. Reste que la grande qualité de Passages est son interprétation : l’alchimie qui existe entre le trio d’acteur·rices – auquel on ne peut s’empêcher de rajouter Erwan Kepoa Falé, déjà brillant dans Le Lycéen de Christophe Honoré – est prodigieuse.
Passages d’Ira Sachs, avec Franz Rogowski, Ben Whishaw, Adèle Exarchopoulos (Fr., G.-B., 2023, 1 h 31). En salle le 28 juin.
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