Au Festival de Toronto, Ridley Scott déçoit avec son blockbuster quasi parodique Seul sur Mars, tandis que la jeune française Eva Husson électrise grâce à Bang Gang, un teen-movie sexe et onirique.
Une étrange atmosphère règne à Toronto depuis quelques jours. Pour sa quarantième édition, le TIFF (aka le Toronto International Film Festival) a étendu sa toile partout dans les rues de la ville, à la faveur d’immenses installations lumineuses, d’enceintes vomissant une techno industrielle, de food trucks et de stands promotionnels. Autant d’indices plus ou moins envahissants de la puissance commerciale de ce festival-marché, qui affiche pourtant une certaine baisse de santé cette année : jamais, peut-être, Toronto n’avait semblé aussi fragile, soumis à la concurrence des nouveaux hotspots américains, tels New York ou Telluride. En l’absence de Spielberg, dont le dernier film (« Bridge of Spies ») a été raflé par le rival new-yorkais, le TIFF devait ainsi revoir ses ambitions à la baisse, et proposer en évènement phare de cette édition le nouvel opus de Ridley Scott, « Seul sur Mars ». Une maigre compensation au regard de ce blockbuster un peu boiteux, qui laissa la presse US et le public pour le moins circonspects.
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Le film avait pourtant quelques arguments pour séduire. Récit assez classique de science-fiction (Matt Damon y incarne un cosmonaute laissé seul sur Mars, qui tente l’impossible pour regagner la terre), il rejoue les codes éculés du genre, tout en adoptant un ton hyper singulier, une sorte de comique badin, totalement inédit chez Ridley Scott. Sans pour autant verser dans le parodique, le cinéaste raconte la survie de son héros comme une chasse au trésor ou un jeu ludique ; il fait le pari de la légèreté, du pop décomplexé, moquant au passage l’éternel bagage de tourments mystico-existentiels qui plombent la plupart des survivals dans l’espace (façon Gravity). Le geste ne manque pas de panache, mais il aurait mérité pour convaincre de s’assumer pleinement, le film oscillant en permanence entre un registre de pure comédie et son cahier des charges spectaculaire, auquel Ridley Scott s’emploie avec l’habileté d’un vieil artisan peu inspiré. Seul reste, au milieu de ce blockbuster étrangement bricolé, le festival de moues canailles et de vannes potaches de Matt Damon, assez dément dans son rôle de « pirate de l’espace ».
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La vraie vibration du jour nous sera venue de France, d’un film dont on n’attendait pas grand-chose : « Bang Gang », le premier long d’Eva Husson. Recalé du Festival de Cannes, où la rumeur l’avait longtemps annoncé en objet de buzz potentiel, ce teen-movie raconte les quelques semaines folles d’une bande de lycéens, filles et garçons qui se réunissent la nuit pour baiser tous ensemble dans des partouzes clandestines et joyeuses. Un peu à la manière de 17 filles des sœurs Coulin, Eva Husson met en scène une sorte de fantasmagorie à la frontière du conte et du naturalisme, abordant la sexualité telle une fièvre mystérieuse qui s’empare d’ados submergés par un désir aussi beau qu’inquiétant, aussi vitaliste que mortifère. La qualité du film, outre sa photogénie hyper sensuelle, et son climat hallucinogène, est de ne jamais produire de discours sur cette sexualité hors norme, de ne pas en faire le résultat d’un trauma ou d’un délire né d’une consommation abusive de porno. Ici, pas de psychologie qui vaille : Bang Gang est juste une affaire de corps qui se frottent, se lèchent, se pénètrent, et s’absorbent au rythme suave des palpitations électro de Brodinski. C’est un chant exalté pour la furie adolescente, et l’un des plus désirables films issu du jeune cinéma français époque 2015. En tout cas la première sueur du TIFF.
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