Co-signé par Emmanuelle Béart et Anastasia Mikova, le documentaire “Un silence si bruyant” cueille la parole de cinq personnes victimes d’inceste. Un film sobre, empathique et essentiel.
Un silence si bruyant débute par le choc des chiffres : “10 % de la population française est victime d’inceste”. “1 fille sur 6, 1 garçon sur 12”. On apprend aussi que 160 000 personnes connaissent cette expérience terrible chaque année dans notre pays. Le documentaire, co-signé par Emmanuelle Béart et Anastasia Mikova, peut alors commencer.
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Il s’inscrit dans un moment culturel et sociétal majeur, initié par les romans de Christine Angot et poursuivi plus récemment par la sortie des Chatouilles d’Andrea Bescond, les parutions de La Familia Grande de Camille Kouchner, Le Consentement de Vanessa Springora, La Culture de L’inceste (dirigé par Iris Brey et Juliet Drouar) et du puissant Triste Tigre de Neige Sinno. Mais cette fois, c’est la télé qui s’en empare. Et ce surgissement est assez rare pour être signalé.
La loi du silence
Contrairement à ce que le suivi médiatique autour d’Emmanuelle Béart pourrait laisser croire, nous sommes devant un film collectif et pluriel. Quatre histoires, en plus de celle de l’actrice de La Belle Noiseuse, y sont racontées sur la longueur. Trois femmes (ainsi qu’une petite fille) et un homme, racontent à visage découvert non seulement ce qu’il et elles ont subi, mais aussi et surtout les conséquences sur leur vie, le cheminement des souvenirs – parfois le poids de l’amnésie – et le parcours vers la prise de parole.
Il y a Norma, violée durant neuf années par son grand-père et aujourd’hui comédienne, qui a transposé son histoire dans un seule en scène ; Pascale, qui ne s’est souvenue du viol commis par son père qu’il y a quelques années ; Joachim, dont les deux parents lui ont fait subir des attouchements et agressions et contre lesquels il a fini par porter plainte, tant sa vie est devenue difficile ; Sarah, dont la fille a été violée par son père dont elle était séparée entre ses 4 ans et ses 8 ans et que la justice a mis de longues années à protéger malgré ses récits et ses plaintes… Un silence si bruyant raconte ces histoires comme autant d’exemples implacables des dysfonctionnements d’un système qui, de fait, protège les prédateur·rices. La loi du silence commence à être brisée, mais les tribunaux n’ont pas encore tout à fait pris la mesure du phénomène. Directeur de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (Ciivise), Édouard Durand souligne dans le film à quel point toute prise de parole est compliquée. Elle n’est même pas forcément suivie d’effets concrets.
Safe space
Et pourtant, “les mots sont le premier soin”, comme le souligne Emmanuelle Béart dans ce documentaire au ton sobre, direct, plein d’empathie, comme si les deux réalisatrices avaient souhaité créer à travers ces images et ces sons un safe space à arpenter sans crainte. L’actrice, quant à elle, évoque son cas personnel sans entrer dans les détails, expliquant qu’elle a subi un inceste de 10 à 14 ans et que sa grand-mère l’en a sauvée. Emmanuelle Béart est plutôt là pour passer du “je” au “nous”, faire circuler la parole, entendre, regarder. C’est aussi ce qu’elle demande à la société.
Un silence si bruyant de Anastasia Mikova et Emmanuelle Béart. Le 24 septembre à 23h sur M6.
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