Le Jean Valjean herculéen du cinéma français vient de réaliser un premier film misérable. Et il n’y a guère que nous pour y voir un mystère, dernière indulgence en souvenir de ses belles prestations physiques chez Ferreri, Pialat, Truffaut, Duras ou Godard. Le boeuf accouche d’une grenouille, l’imposant filme plat. L’énôôôrme de plus en plus […]
Le Jean Valjean herculéen du cinéma français vient de réaliser un premier film misérable. Et il n’y a guère que nous pour y voir un mystère, dernière indulgence en souvenir de ses belles prestations physiques chez Ferreri, Pialat, Truffaut, Duras ou Godard. Le boeuf accouche d’une grenouille, l’imposant filme plat. L’énôôôrme de plus en plus théâtral dans ses entrées ne semble même plus trouver de sortie (cf. la distribution précipitée de ce film à un mois de Cannes, comme marque d’un échec que la production juge prévisible) et n’offre à sa compagne rien qu’un voyage riquiqui à Yvetot, contraignant Carole Bouquet à camper les Meryl Streep de province, à jouer à « Sur la route de Tancarville » pour son Clint Eastwood dépressif qui la rêve femme de ménage, sans même voir là l’ironie d’un contre-emploi buñuélien (et Marie-Pierre Casey, elle fait quoi maintenant : mannequin pour Chanel !). Au-delà de l’emmerdement effectif que produit ce mélo sans passion, on est gêné par un discours populiste fâcheux qui sous-entend dans son action rétro que, question émotion, le cinéma des années 60 s’y entendait autrement. Ce discours vain a le goût de la piquette, nous fait tourner vinaigre. Il n’était pas nécessaire de rendre hommage à Truffaut (« La femme de ménage d’à côté », en 1962, pour résumer) pour filmer comme un Duvivier gâteux. Instrumentaliser ses références pour leur faire dire le pire : on attendait mieux de Depardieu que l’on croyait en toute honnêteté fidèle à ses maîtres. On ne pensait pas non plus avoir à lui rappeler que l’équilibre entre Flaubert et Arlequin ou entre Pialat et le Cinéma 16 de FR3 réside dans le style, dans le risque. Gêne, d’autre part, d’assister à un drame intime où visiblement, ça ne va pas fort pour Gégé. Dans ce film maso, dans cette autoflagellation fauchée, il tend la croupe, cocu, spolié, minable, en vient à se parodier tout seul en demandant sans cesse avec déprime si « on n’est pas bien là ? », pas du tout décontracté du gland, pour le coup. Il pourra toujours dire qu’il se gabinnise quinze ans avant l’âge, sauf qu’au moment de pousser sa gueulante, il est frappé d’impuissance. Gabin sans colère, Gabin postmoderne : « Je suis sans force », dit-il. Bien vu. La prochaine fois, en guise d’autocritique, au lieu de jouer au pont (ou au con), il pourra toujours nous pondre deux feuillets.