« Un peuple et son roi »: une fresque historique qui en fait trop

Les fans de L’Exercice de l’Etat – précédent film de Pierre Schoeller narrant l’ascension d’un ministre des Transports dans les ternes arrière-fonds du paysage républicain actuel – seront peut-être désarçonnés : Un peuple et son roi est tout le contraire. Au lieu d’une gouvernance dépassionnée, bureaucratique et privée d’idéologie, voilà qu’on ravive la flamme, chaleureuse quoiqu’un peu kitsch, des premiers idéaux révolutionnaires.

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En guise d’atmosphère de fin de l’histoire, de postpolitique parasitant le monde sans pouvoir en altérer le cours, voilà que chaque geste, chaque mot tourne solennellement une page du livre France, et que chaque protagoniste, du croquant miséreux au député girondin, en a une conscience aiguë : il vit un mythe. Enfin, l’anonymat des cabinets, les gouvernants interchangeables et sans nom, laissent place à un sacré jeu de Who’s Who, convoquant le casting le plus rutilant de l’année. Laurent Lafitte en Louis XVI sans qualités, couillon jusque dans son effort surhumain de dignité ; Denis Lavant en Marat de fantasmagorie ; Céline Sallette et Adèle Haenel en pasionarias populaires fortes en gueule ; le raffinement altier de Louis Garrel et de Niels Schneider au service de l’éloquence montagnarde (Robespierre et Saint-Just)…

De ce musée Grévin ne se dégage pas la grande fresque politique dont Pierre Schoeller semblait rêver (ses mises en scène de la Convention semblent trahir parfois quelques visionnages envieux du Lincoln de Spielberg). Un peuple et son roi fait plutôt l’effet d’une marmite qui déborde : un trop-plein de tout, de comédiens, d’importance, de pompe, d’enjeux et de perruques, qui a dégouliné de son cadre, manque de forme, menace presque de s’effondrer. On ne saurait le jeter pour autant, tant l’ambition est grande et généreusement menée. Mais on préférait néanmoins le Schoeller de la retenue.

Un peuple et son roi de Pierre Schoeller (Fr., 2018, 2 h 01)