Le récit d’apprentissage étrange d’un enfant.
Il peut être dommageable pour un film de contenir une très bonne scène, de celles que l’on aimerait voir plus souvent dans le cinéma français mais dont les Américains semblent garder précieusement la recette dans le hangar fermé à double tour d’un grand studio. Une scène d’action qui vous prend au col et vous cueille, littéralement, en retournant ses enjeux apparents, auxquels on croit comme un gosse. Tel est le cas du film de Balekdjian qui, via une scène saisissante, nous promet un monde parfait (un certain idéal de cinéma) mais ne parvient guère à répondre aux attentes qu’il éveille. Un monde parfait… On se souvient que c’est le titre d’un très beau film d’Eastwood qui illustre bien le genre visé par Un monde à nous : le thriller mêlé à l’enfance et habité par une figure paternelle inquiétante et idéalisée (Moonfleet et La Nuit du chasseur ne sont pas loin).
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Revenons à cette scène réussie. Un homme vient d’emménager dans une nouvelle ville avec son fils, Noé, âgé d’une dizaine d’années. Ce père, pas vraiment commode, contraint son garçon à un mode de vie quasi militaire (entraînements dans la cave de leur maison, contrôle des réflexes de défense…) et à une sociabilité minimale, histoire de ne pas être repéré par les tueurs qui les recherchent pour d’obscures raisons. Alors qu’il rentre de sa première journée d’école, Noé voit surgir derrière lui un homme cagoulé qui le course. Préparé, le gamin tient la distance puis est finalement attrapé. Le kidnappeur enlève alors sa cagoule et montre son vrai visage, qui n’est autre que celui du père, entraîneur surprise ! Hélas, le reste du film ne parvient pas à jouer de manière aussi judicieuse avec le statut ambigu de ce père et perd le fil de cette terreur première vraiment efficace et d’une certaine tension psychologique, au profit d’une intrigue platement menée où finalement la rencontre de l’enfant avec une camarade de classe va dévier et éteindre la complexité de ce lien père-fils. Révélateur de l’hésitation du film entre ces deux types de relation (complicité enfantine contre idéalisation de l’adulte), le retournement scénaristique final, plutôt grossier, laisse à désirer. De plus, on se trouve confronté à l’éternel problème de la mise en scène d’enfants au cinéma, qui en font un poil trop. On leur préfère Edouard Baer, très bon en père menaçant, qui parvient pour la première fois à être convaincant en dehors de son registre comique habituel.
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