Six ans qu’on espérait un nouveau film de Laurent Tuel, auteur du saisissant Rocher d’Acapulco, plongée d’une âpreté inégalée dans l’univers glauque de la zone et de la déviance. Hélas, avec Un jeu d’enfants, la déception est à la hauteur de notre attente. Si Un jeu d’enfants est loin d’être une œuvre déshonorante, si Tuel […]
Six ans qu’on espérait un nouveau film de Laurent Tuel, auteur du saisissant Rocher d’Acapulco, plongée d’une âpreté inégalée dans l’univers glauque de la zone et de la déviance. Hélas, avec Un jeu d’enfants, la déception est à la hauteur de notre attente. Si Un jeu d’enfants est loin d’être une œuvre déshonorante, si Tuel parvient à ménager un beau climat insolite de bout en bout, on est frappé par la neutralité de son style. Ni franchement réaliste, car situé dans un univers désuet et stylisé, ni outrancièrement fantastique, ce film semble conçu comme une alternative chic, à la française, aux débordements kitsch du cinéma Z. Il est clair que les modèles d’Un jeu d’enfants sont Rosemary s baby et Le Locataire de Roman Polanski. Seulement ici, la dimension fantastique est donnée d’emblée, instillée à petites doses dans un contexte traditionnel. Faute de réel dérapage et à force de coups de semonce à blanc et de micro courts-circuits dans la trame du « réel », l’angoisse véritable ne survient jamais. On peut certes reconnaître à Tuel un réel talent pour l’ellipse abrupte, pour le changement radical de registre d’une scène à l’autre, mais d’un autre côté, malgré des effets sonores, des apparitions adéquates (Luc Moullet à poil brandissant un f tus dans un sac plastique !), et quelques scènes dérangeantes où le fantasme bascule soudain dans la réalité, le danger, le malaise restent diffus.
L’image angélique des enfants, un garçon et une fille, apparemment phagocytés par des revenants, est donnée d’emblée comme masque de leur perversité. Cela reste théorique ; ces personnages n’existent pas assez pour inquiéter. Manquant de densité, ils sont les effigies obligées de l’innocence enfantine, évidemment trompeuse. Laurent Tuel s’est vraisemblablement inspiré du Tour d’écrou d’Henry James, chef d’œuvre de la littérature fantastique, mais il en a mal retenu la leçon. En effet, dans ce roman reposant entièrement sur le non-dit, le non-vu, toute l’angoisse découle du regard des enfants. Qu’ont-ils vu ou n’ont-ils pas vu ? Ici il n’y a pas de point de vue, donc pas de mystère.
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