Enfant de La Goulette, Férid Boughedir réalise ici sa lettre d’amour au petit port de pêche de la banlieue de Tunis où il a passé son adolescence. En notre époque de développement de l’intégrisme et de tendance générale au repli frileux, Boughedir est nostalgique de sa jeunesse mais surtout d’un havre ensoleillé où différentes communautés […]
Enfant de La Goulette, Férid Boughedir réalise ici sa lettre d’amour au petit port de pêche de la banlieue de Tunis où il a passé son adolescence. En notre époque de développement de l’intégrisme et de tendance générale au repli frileux, Boughedir est nostalgique de sa jeunesse mais surtout d’un havre ensoleillé où différentes communautés vivaient ensemble harmonieusement. Il déroule donc la chronique nonchalante de l’été 66 le dernier avant la guerre des Six-Jours à travers le quotidien de trois familles voisines de palier : celles de Youssef le musulman, de Jojo le Juif tunisien et de Giuseppe l’Italien catholique. Trois Joseph donc, pour figurer le bonheur cuménique de ce quartier ciel et blanc, métissage également incarné par la figure emblématique locale, Claudia Cardinale, convoquée ici dans son propre rôle. Une harmonie qui se lézardera quelque peu lorsque les filles de chaque famille décideront de perdre leur pucelage avec un garçon de religion différente : les trois sympathiques Joseph aiment bien boire l’anisette ensemble, mais pas question qu’on touche à leur progéniture chérie, surtout si le gendre putatif ne prie pas à la bonne adresse. Boughedir organise ce bonneteau religieux et affectif avec une certaine chaleur bon enfant, sympathique certes, mais qui laisse quand même un peu indifférent. Les bons sentiments font rarement du grand cinéma, surtout quand ils sont servis par des situations schématiques, des dialogues signifiants et des acteurs gentiment cabotins. Là où Boughedir échappe à l’émollience d’un ronron humaniste prévisible et devient plus intéressant qu’un Enrico Macias du cinéma, c’est dans l’extrême sensualité de son regard, déjà repérée dans le très joli Halfaouine. Non seulement il est politiquement intéressant de voir des jeunes filles modernes, dénudées et taraudées par le sexe dans un « film arabe », mais elles sont en outre superbement filmées par un cinéaste qui sait rendre justice à leur beauté sans voyeurisme scabreux. Boughedir est tout aussi à l’aise pour capter les lumineuses couleurs de La Goulette (ruelles blanches, ciel bleu, mobilier, tentures, etc.) et le grouillement de sa population… Un Eté à La Goulette séduit donc plus par son accessoire documentaire que par son essentielle fiction ; mais dans cet accessoire, Boughedir déploie un vrai talent pictural, un sens de l’espace et des lieux indéniables.
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