La bande de Judd Apatow investit le genre moribond de la parodie avec un décalque délirant de Walk the Line, sorti directement en DVD.
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WALK HARD de Jake Kasdan
Avec John C. Reilly, Jack Black, Paul Rudd…
LE FILM Tandis que Mike Myers se démultipliait plus que jamais dans Goldmember (2002), son film le plus baroque et le plus accompli, s’achevait par son faîte un certain âge d’or pop de la comédie parodique américaine. Depuis, on avait vu le genre décliner, disparaître presque, s’abandonner en tout cas à l’abomination des Spartatouille et autres Scary Movie 17, et le récent retour de Myers aux commandes du piteux Love Gourou n’a fait que confirmer l’ampleur de cette déconfiture. Pourtant, à la faveur de deux sorties conjointes semble se faire jour le commencement d’un renouveau. Après l’épatant Tonnerre sous les tropiques de Ben Stiller, voilà que se présente enfin à nous, directement en DVD, la tentative par Judd Apatow d’investir à son tour le champ de la parodie.
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Walk Hard est sa réplique désopilante à la récente averse de biopic musicaux et Dewey Cox, sa rock-star déchue puis ressuscitée pour l’ultime parade d’un hommage télévisuel pour vieille légende grabataire, est tout à la fois le Johnny Cash d’un Walk the Line dont le film se fait un décalque sardonique, le Ray Charles de Ray, et (brièvement) le Dylan d’I’m not there. Mais Cox apparait aussi et surtout en mythe américain, d’autant plus évocateur et grandiose qu’il est fictif, et ainsi peut-il revêtir le temps d’une scène ou deux des allures de Brian Wilson période Pet Sounds, tandis qu’il écume effervescence psychédélique, mysticisme, copinage avec Charles Manson et gueule de bois postsixties aux allures de bad trip LSD.
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Le film déploie toute sa délicate fantaisie lorsqu’il pousse vers ses ultimes retranchements le jeu pervers de la croyance en l’incarnation d’une figure, une époque et une musique par des corps arbitrairement choisis. Ainsi, lorsque Cox croise les Beatles, Jack Black sera McCartney simplement parce qu’il le dit – et il en faut de la croyance, pour voir en Black un Macca juvénile. Quant à Cox, on le pliera à tous âges aux traits chiffonnés de bébé artificiellement vieilli de John C. Reilly, second rôle de choix (Gangs of New York) qui s’offre au sein du crew Apatow une nouvelle carrière aussi improbable qu’étincelante – après Ricky Bobby, roi du circuit et Walk Hard donc, on le verra dans dix jours avec Will Ferrell dans l’excellent Frangins malgré eux.
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Mais surtout, Walk Hard n’est jamais plus beau que lorsqu’il hypertrophie les conventions du genre au-delà de toute limite : corps coupés en deux doués de parole, acteurs quadra à peine grimés qui interprètent goguenards des adolescents, éclat et drôlerie indiscernables des épiphanies outrancières qui ponctuent le parcours du personnage… Dans cette boursouflure s’informe alors la matière d’un langage propre, une manière de poétique de la parodie, toute de motifs grotesques à la grâce incertaine, mais réelle.
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LE DVD S’il nous avait été dérobé par son distributeur français, le film nous parvient enfin dans sa version salles, écourtée d’une demi-heure par rapport à celle parue aux Etats-Unis et, malheureusement, quelques belles scènes se sont perdues en route. Il est complété par un appareil plutôt riche de suppléments traditionnels et parodiques. Ces derniers retiennent l’attention en ce qu’ils prolongent l’entreprise mystificatrice du film, tel le documentaire consacré à « L’histoire du vrai Dewey Cox », splendide pastiche de bonus académique, où Reilly avoue son appréhension à interpréter une telle légende tandis que Sheryl Crow et Ghostface Killah disent toute l’influence qu’aurait eu l’œuvre du vieux rockeur sur leur musique. Et l’ensemble est si drôle et troublant que, pour un peu, on voudrait croire que ce véritable Dewey Cox a existé.
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