En traitant la contre-culture US, Oliver Stone se montre plus habile que pour l’hagiographie déglinguée type The Doors. Mais U-Turn finit par être victime de sa propre boursouflure. Avec U-Turn, Oliver Stone amorce un détour dans sa filmographie, quitte le champ de l’histoire contemporaine américaine et des biopics indigestes de Jim Morrison et Richard Nixon […]
En traitant la contre-culture US, Oliver Stone se montre plus habile que pour l’hagiographie déglinguée type The Doors. Mais U-Turn finit par être victime de sa propre boursouflure.
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Avec U-Turn, Oliver Stone amorce un détour dans sa filmographie, quitte le champ de l’histoire contemporaine américaine et des biopics indigestes de Jim Morrison et Richard Nixon pour explorer le paysage contre-culturel de son pays. Sa relecture de tout un pan de la littérature et du cinéma américain est nettement plus convaincante que celle du rock dans The Doors, si l’on veut bien souscrire au traitement qu’il leur fait subir. Le réalisateur de Platoon, passé la tentation académique, s’est découvert avec Tueurs-nés une vocation de violeur de formes. Il s’attaque dans U-Turn aux films noirs de Wilder et Siodmak et aux romans de Jim Thompson ou Charles Williams. Un escroc minable extraordinaire performance de Sean Penn prend la route pour Las Vegas où il doit rembourser des créanciers qui lui ont déjà coupé deux doigts. Victime d’une panne de voiture, il se retrouve piégé dans une petite ville perdue dans le désert, ironiquement baptisée Superior, bientôt la proie de la malchance et de la curiosité malsaine des habitants : une garce angélique, une riche crapule, un shérif louche, un clochard philosophe et une poignée de crétins nuisibles vont s’associer à un destin capricieux, jusqu’à l’anéantissement final. Stone renoue dans U-Turn avec la pyrotechnie visuelle de Tueurs-nés, débarrassée cette fois de toute considération plombée sur l’exploitation médiatique de la violence.
Avec son film le plus controversé, Stone a imposé un système davantage qu’un style, un habile recyclage des techniques de l’avant-garde et du cinéma expérimental, elles-mêmes récupérées depuis longtemps par le tout-à-l’image télévisuel (clips, pubs, bandes-annonces). Véritable esthétique de la juxtaposition et de la projection, mais aussi du déchet, réemployée ici sans beaucoup d’originalité. Stone avait dès son premier brouillon, Seizure, hargneuse bande horrifique tournée sous l’effet de la cocaïne, éprouvé la laideur agressive et l’impureté des images. U-Turn aurait sans doute gagné à moins d’esbroufe, si cette surenchère de plans, de couleurs, de visions accélérées et ralenties n’illustrait pas un récit également hypertrophié. Caricature du loser, Sean Penn rate absolument tout ce qu’il entreprend, et ce comique de répétition le transforme peu à peu en héros de cartoon à la Will Coyotte. A l’instar du western italien, référence à laquelle on peut ajouter Russ Meyer et Sam Peckinpah, Stone exagère la noirceur, la monstruosité, voire la saleté physique des personnages secondaires (le garagiste retors est couvert de cambouis des pieds à la tête). Le cinéaste s’amuse visiblement à repousser les limites de la trivialité, comme dans cette scène de coitus interruptus où Sean Penn se finit derrière un arbre, le pantalon sur les godasses.
Ennio Morricone, figure incontournable du maniérisme cinématographique judicieusement convoquée par Stone, s’est parfaitement adapté au projet du cinéaste, que l’on qualifiera de post-maniérisme tapageur. Le compositeur italien livre donc, à côté d’un main title somptueux, ses autoparodies coutumières mais toujours déconcertantes, tel ce remix goguenard du tube d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon pendant que Sean Penn drague Jennifer Lopez dans les rues poussiéreuses de Superior. N’importe quoi, me direz-vous. On n’en est pas loin, en effet. Et la réserve majeure qu’inspire U-Turn provient de cette surcharge bordélique. U-Turn est donc un polar déglingué et souvent euphorisant. Mais attention à la descente. Le film de Stone, prisonnier de sa vacuité et de ses excès mal dosés, a tout d’une baudruche au bord du dégonflement. Au mieux une oeuvre grotesque, au pire un néopolar ridicule. Sans vouloir jouer les puristes, on préférera toujours l’étisie d’un film d’Ulmer (Detour, justement) à la boursouflure d’U-Turn.
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