“There is fire where you are going”. Toujours de la rage, voire plus encore que d’habitude, mais aussi des dérapages fantastiques qui permettent d’agglomérer les tendances antagoniques de la série. Cela va d’une incursion dans la quatrième dimension au come-back de la tarte aux cerises chère à Dale Cooper. Ici plus que jamais, le son a un rôle crucial pour faire bouger ce petit monde. David aime le bruit.
Le Lynch chaotique qu’on aime est de retour après deux épisodes moins contrastés. Tout en disant cela, on est bien conscient de prêcher dans le désert : la saison 3 de Twin Peaks est un flop. En France, la presse s’est jetée avec avidité sur l’événement Twin Peaks, entériné en grande pompe au Festival de Cannes, puis elle l’a recraché après deux épisodes. Ingrate loi de actualité. Le public non plus ne suit pas, ni ici ni ailleurs. Actuellement, chaque épisode de Games of thrones draine de 7 à 10 millions de spectateurs aux Etats-Unis, tandis que Twin Peaks plafonne grosso modo à 250 000 téléspectateurs. Immense contraste avec les premières saisons de Twin Peaks, qui en 1990-91 attiraient en moyenne 15 millions de téléspectateurs par semaine.
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Depuis les années 1990, le paysage télévisuel a été bouleversé et l’audience s’est littéralement émiettée. Certes, mais on imagine de plus en plus mal la mise en chantier d’une quatrième saison de Twin Peaks. Trêve de lamentations et revenons à l’épisode 11, dans lequel les chocs et la cacophonie culminent à deux grands moments, avant un final assagi et presque gâteux, ou plutôt gâteau… Après des épisodes 9 et 10 relativement plan-plan, la furie bruitiste, et les visions à la Francis Bacon reviennent au galop. Le n°11 est pour ainsi dire une transposition noire et angoissante de la série comique On the air de Lynch (passée inaperçue, qui traitait sur un mode loufoque de la vie d’une chaîne de télé).
https://www.youtube.com/watch?v=02Fv4E3NkS4
Gestion du climax
L’importance pour le cinéaste n’est pas l’économie du récit mais la gestion du climat et du climax. Ça démarre sur des chapeaux de roue avec l’expédition frénétique de Becky (Amanda Seyfried), instiguée par sa jalousie conjugale, qui s’achève par des coups de feu tirés dans une porte fermée. Becky, finalement calmée, se trouve au coffee shop Double R, avec sa mère Shelly, employée du lieu, et son père Bobby (Briggs), ex-bad boy de Twin Peaks devenu flic, lorsque d’autres coups de feu éclatent, traversant les fenêtres de l’établissement. Cela mène de fil en aiguille à un premier paroxysme de bruit et de désordre : scène démente où une automobiliste klaxonne et hurle comme une dingue pendant que son fils handicapé glapit et se vautre sur elle en vomissant.
Le contrepoint de ce pic dramatique situé à Twin Peaks, mais qui n’ajoute rien à l’intrigue générale, est une invocation de l’enfer par David Lynch lui-même, alias Gordon Cole. Séquence lovecraftienne où le responsable du FBI se trouve à Buckhorn, dans un lieu désolé, avec ses acolytes et avec Hastings, suspect du meurtre initial. Ne spoilons rien, mais disons que de cet appel de Cthulhu façon lynchienne, où le cinéaste-acteur manque d’être happé dans l’au-delà, réveille la dimension métaphysique de l’affaire. A la suite de quoi, nouvelle volte-face climatique, et poursuite de la veine Oui-Oui, où l’on voit Dougie Jones gérer magistralement son capital burlesque, avec une bribe de remémoration proustienne procurée par un cherry pie, qui est sa madeleine. (On avait dit que ce Twin Peaks 3 était un équivalent du Temps retrouvé.)
https://www.youtube.com/watch?v=n_1Jxd95o7Y
Viva Las Vegas !
La plus importante particularité de l’épisode 11, c’est l’absence de séquence de concert au Bang Bang Bar. Problème d’addiction sérielle : en une dizaine d’épisodes on s’était habitué à la prestation musicale live qui terminait systématiquement chaque épisode. Cette fois, cela se clôt par une séquence où les frères Mitchum festoient avec Dougie Jones dans un boui-boui de Las Vegas. En guise d’accompagnement musical, il y a un pianiste de bar qui joue un interminable morceau d’Angelo Badalamenti. Le compositeur est remplacé par un acteur nommé Smokey Miles. En tout cas, on en vient à se demander comment on a pu aimer ce type de muzak sentimentale.
Heureusement, il y a eu un antidote avec une scène précédente où Dougie Jones se trouvait dans une limousine traversant Sin City. Scène bercée par une reprise magique façon folk, de la chanson de Presley Viva Las Vegas. L’interprète est Shawn Colvin. Un nom à retenir !
P.S. Et Audrey Horne dans tout ça ? Audrey qui ?
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