Croisement entre le teen-movie et le film de vampires. Enorme buzz aux USA, un très beau film sur la naissance du désir sexuel.
0n se souvient de l’interprétation magistrale que John Carpenter avait livrée, il y a dix ans, de la fonction politique des vampires dans l’idéologie chrétienne et le développement capitaliste. Détournant les codes du western, Vampires (98) mettait en scène un vampire en trader des années 80 dont le cynisme adulte dévoilait le secret des mythes fondateurs du libéralisme, autrement dit l’union sacrée entre la religion et la finance.
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Avec son dernier et passionnant avatar, Twilight, voici que le film de vampires bascule dans le territoire lunatique du désir féminin. Le film est l’adaptation d’une saga littéraire devenu depuis son lancement en 2005 un véritable phénomène éditorial aux USA intitulée Fascination. Avec 18 millions de vente dans le monde, son auteur, Stéphanie Meyer est en tête des listes de best-seller pour la jeunesse sur le territoire américain et menace dans sa suprématie la britannique J.K Rowling, auteure de Harry Potter. L’exploit de Fascination tenait à sa féminisation des codes de la littérature horrifiques pour ados. C’est en effet les jeunes lectrices qui ont fait de cette hybridation entre la sitcom teen sentimentale et les récits de vampires un triomphe. L’adaptation que signe Catherine Hardwicke (réalisatrice d’un film indé remarqué, déjà sur l’adolescence, Thirteen) éclaire au passage (de ses rayons inversés) un secret ltime du genre : que nous révèle du désir féminin, dont on sait qu’il est un continent plus noir que la nuit où ne dorment jamais les vampires insomniaques de Twilight, cette attirance orgueilleuse et obstinée pour une créature qui ne rêve que d’une chose, tuer la femme qui l’aime ?
En cela, Twilight livre la clé d’un genre typiquement hollywoodien où l’on voit une épouse fragile soupçonner son mari ambigu d’intentions, à son égard, criminelles (Soupçons et Les Enchaînés d’Hitchcock, Hantise de Cukor…). Etrangement, la force de Twilight est de lever, presque dès le début du film, dans un décor noyé d’une brume incertaine, l’ambiguïté : l’homme que désire dès le premier regard la lycéenne Bella (Kristen Stewart), ce vampire sans âge aux yeux changeants, aux dents bizarrement régulières et à la peau que les rayons du soleil transpercent comme des lames de couteau, a soif, sans aucun doute, de son sang. Plus exactement, il l’aime, en voulant la tuer ; le film devient dès lors le récit dialectique de la rencontre (plus que du conflit) entre deux désirs, celui d’une jeune fille qui exige de l’homme qu’elle aime qu’il la tue, et celui d’un vampire contraint, par amour, à… devenir végétarien. “Et c’est ainsi que le lion s’éprit de l’agneau.” Avec cette phrase clé du roman, que des milliers de jeunes filles se sont fait tatouer sur la cheville et que l’on retrouve fétichistement dans un dialogue du film, on sort du devenir-Breillat (Parfait amour !) que ce film sur la naissance du désir chez une jeune fille aurait pu choisir. Car à désirer un lion pacifique, ou un vampire végétarien, la jeune héroïne de Twilight risque une fin plus hitchcockienne (Soupçons) que breillatienne (Une vraie jeune fille) : l’abstinence.
Si le Vampires de John Carpenter nous livrait certaines des scènes les plus excitantes de son œuvre (avec pour seule “morale” l’idée qu’un cunnilingus de vampires conduit extatiquement à la mort), Twilight propose aux amoureuses des vampires (traduire : aux adolescentes fantasmant sur les marginaux ténébreux) le choix entre une communion purement télépathique (le vampire de Twilight est télépathe), ou bien une vie de couple éternellement végétarienne. Les vampires de Twilight ont perdu leurs crocs, et il manque sans doute au vampire fantasmé par une jeune adolescente l’élément constitutif du désir, ce sentiment dont jouissent les héroïnes adultes de Breillat ou Carpenter, mais que refusent les adolescentes puritaines des lycées américains : le goût provocant de la peur.
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