La passion contrariée de deux Juifs religieux. Crispé et paresseux.
Le problème, c’est que la cause est entendue : en Occident, depuis le XVIIIe siècle au moins, on sait que le désir et la religion ne font pas toujours bon ménage. Dans le film de Haim Tabakman, la situation peut paraître inédite : à Jérusalem, un père de famille juif orthodoxe accueille chez lui un étudiant religieux au charme aussi velouté qu’insidieux. Succombant à l’amour interdit, il nouera une liaison avec lui, puis verra ses proches (l’épouse digne, un rabbin compréhensif) et les habitants du quartier le harceler de plus en plus violemment. Tabakman, trop guidé par le spectateur laïc et militant qu’il suppose être celui de son film, découvre avec une ingénuité agaçante un sujet pourtant rebattu et s’en tient à des généralités inoffensives au lieu d’explorer les détails inattendus de cette situation et sa profondeur théologique. Quant à la “problématique homosexuelle”, la maladresse des scènes sexuelles (tendresse rassurante et passe-partout des deux hommes au lieu du bouleversement attendu), l’évitement des émotions (la découverte de l’homosexualité passe comme une lettre à la poste chez le père de famille – ce qui aurait pu être le doux consentement à un destin intérieur est surtout une grande paresse fictionnelle) et la vague gêne des acteurs (en particulier Zohar Strauss, et son air de Droopy constipé à chaque fois qu’il commet le péché) éteignent l’incandescence du sujet. Et que dire de l’hypocrite suspense initial où toutes les scènes sont artificiellement tendues par l’attente un peu écœurante du moment-clé : quand est-ce qu’ils vont succomber l’un à l’autre ? Le fil parallèle des autres amours renégates (une jeune femme donne des rendez-vous clandestins à un homme qui n’est pas son fiancé) gagne en relief grâce à un acteur (Avi Grayinik) qui fait passer en un seul plan (il reste tétanisé dans un couloir sordide) toute la souffrance et l’impuissance des jeunes gens empêchés d’aimer par une société religieuse. Devant la morosité pincée du film, on pense à un cinéaste sri-lankais, l’intrigant Asoka Handagama, aujourd’hui en butte à la censure de son pays, qui livrait en 2004 avec Flying with One Wing un film sur un sujet similaire (une jeune femme choisissait de vivre travestie en homme et s’attirait les foudres de sa communauté), mais de manière bien plus contrastée, imprévisible et donc violente.
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