Exagérément taxé de fascisme, l’Ours d’or de Berlin 2008 n’est qu’un thriller à l’esbroufe qui schématise la réalité à l’extrême.
Tollé général de la presse au dernier Festival de Berlin après l’attribution de l’Ours d’or, par le jury présidé par Costa-Gavras, à cette fiction coup
de poing sur la BOPE, équivalent brésilien du Raid Beaucoup se sont indignés du style à l’emporte-pièce du film. Pire, certains ont taxé de fasciste la description complaisante des méthodes de la « tropa de elite » (troupe d’élite : titre ironique ?). Réaction classique mais assez simpliste qui revient à assimiler le comportement des personnages au propos du cinéaste. On se croirait revenu dans les années 1970, quand l’intelligentsia qualifiait Clint Eastwood de facho à cause de son personnage de Dirty Harry, flic implacable qui martyrisait les délinquants et les descendait sans sommation. Même principe ici pour les policiers militaires de la BOPE qui, avec leur uniforme noir frappé d’une tête de mort, font régner la terreur dans les favelas de Rio régentées par des dealers.
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Au moins, Padilha ne pousse pas l’outrecuidance, comme Don Siegel pour Dirty Harry, à dédier son film aux policiers disparus dans l’exercice de leur devoir. En fait, Troupe d’élite n’est pas plus violent ou immoral que Scarface de De Palma, film culte des voyous, ou Les Affranchis de Scorsese. Des gangsters sadiques sont-ils moins fascistes que des flics sadiques ? D’ailleurs, comme Les Affranchis, le film est narré de bout en bout par une voix off, celle de l’ambigu capitaine Nascimento, qui mène la BOPE dans les favelas, traquant, frappant, torturant (sac plastique sur la tête) et exécutant les dealers. Le personnage est humain mais ignoble – contrairement au plus complexe Andre, intellectuel qui étudie Foucault à la fac, mais qui, victime de la fatalité sociale, deviendra à son tour tortionnaire de la BOPE.
Ce qui choque n’est donc pas le sujet, ni même le point de vue (on ne peut qu’être révulsé par de telles méthodes policières), mais tout bêtement la réalisation. Son systématisme, ses effets faciles (flashs, ralentis), son côté clip stroboscopique, sa gratuité de jeu vidéo banalisent la croisade cruelle de la BOPE et en font un spectacle aussi émoustillant que la scène de la tronçonneuse de Scarface ou le “make my day” du cynique Dirty Harry. Mais ne faisons pas trop d’honneur par ces comparaisons à ce grossier thriller à l’américaine grâce auquel Padilha rejoindra la cohorte des faiseurs hollywoodiens. Cela n’empêchera pas le Brésil de continuer à avoir le deuxième ou troisième taux mondial d’homicides, que la police contribue allègrement à entretenir (elle a tué 1 098 personnes en 2005).
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