Des jumeaux rêvent de devenir de grands astronautes, et s’entraînent jusqu’au point de rupture. Un premier film à la lisière du fantastique.
Premier long métrage d’Édouard Salier, réalisateur de clips pour Justice, Metronomy ou Massive Attack, Tropic est au carrefour de multiples genres, et se situe plus particulièrement entre la chronique familiale et la science-fiction. Lázaro et Tristán sont jumeaux et intègrent un programme militaire qui vise à former une élite d’astronautes en quête d’un projet de colonisation spatiale. Lors d’un entraînement nocturne dans un lac, l’un des frères est contaminé par un liquide toxique mystérieux qui le transforme physiquement et mentalement. On plonge alors dans le body horror, le visage de Tristán étant partiellement recouvert d’un masque blanc, la tête encapuchonnée dans un sweat. La peau cramée.
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Tropic commence comme un film qui regarderait la conquête spatiale tel un shonen, dans une sorte de préquel à Cowboy Bebop : l’intense préparation avant la mélancolie, avant qu’on ne rejoigne le cosmos, où deux frères se motivent mutuellement pour se surpasser physiquement. Les deux corps athlétiques se touchent et se chahutent. Puis tout se fige. Après le fluide vert toxique, le frangin transformé peine à se mouvoir, à parler. Tropic entre dans une léthargie, mais bouillonne dans ses strates les plus enfouies, à la manière de l’electro en infra-basse de Sebastian qui se déploie. Du jour au lendemain, dans le noyau familial, à la table du petit-déjeuner, le monstre est là.
En marge
Arrivé sur le seuil d’entrée de l’école d’astronautes, le jumeau maléfique ira dans un bâtiment conjoint, avec les marginaux·ales cette fois. Une autre marge finalement : depuis l’élite de la nation jusqu’aux freaks. Des idéalisé·es aux méprisé·es. Ce grand écart s’opère tout en restant à la lisière du fantastique, comme ses personnages, toujours proches de péter un câble et de tout lâcher.
Adieu les monstres ? Ce projet de colonisation spatiale, en guise d’échappatoire, ainsi perturbé par une contamination qui vient elle-même de l’espace, sonne comme un rappel à l’ordre du cosmos. Est-il seulement possible de penser à un ailleurs quand notre propre chair est avariée ? Tropic est ce film hybride, d’un 16MM suintant qui déploie une science-fiction à l’épaule, caverneuse, grouillante. La tristesse émerge peu à peu. Quand soudain, surgit la possibilité d’un temps mort, fixé sur un personnage secondaire, tournoyant sur sa chaise dans un jardin silencieux. Une image mentale qui permet de reconnecter les deux frangins et de nouveau éclairer le film. Deux tropiques pour un seul soleil noir.
Tropic d’Édouard Salier, en salle le 2 août
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