Sous la flamboyance baroque de la comédie musicale, et les ombres du film noir, une bouleversante méditation sur le sens de la vie.
Traquenard est un film tellement singulier que le ranger dans un genre est de l’ordre du supplice chinois. Le titre original, Party Girl, souligne le côté comédie musicale, et effectivement il y a des numéros chantés et surtout dansés par la sculpturale Cyd Charisse, mais il n’y en a que deux (Dancing Doll et The Beat). Aussi brillants soient-ils, ils apparaissent davantage comme des respirations que comme des sommets du film. Le titre français nous oriente vers la piste du film noir, ce qui n’est pas faux non plus : l’intrigue se noue dans le milieu de la pègre du Chicago des années 30. L’avocat Farrell (Robert Taylor), ex-petit délinquant, boiteux depuis un accident d’enfance, met son talent au service de gros bonnets de la mafia. Jusqu’au jour où il rencontre Vicky (Charisse, donc), danseuse de cabaret. Leur coup de foudre est peut-être l’occasion, pour l’un comme pour l’autre, de changer de vie… Du film noir avec règlements de compte et trognes typiques, on est passé à un inattendu mélo. Ces deux personnages qui commencent à vieillir trouvent l’un dans l’autre le dernier espoir d’une autre vie. Et le plus magnifique est probablement ce tragique lyrique et baroque (il faut voir la débauche de pourpre et d’or qu’orchestre Ray) qui plane sur tout le film, alors que celui-ci s’achève sur un happy-end. Fascinant spectacle, Traquenard est surtout une méditation sur le sens de la vie : elle ne vaut rien si on la vit seul, et oui, on peut changer, et renoncer aux valeurs ou aux pièges desquels on se croyait prisonnier. Plus moral que moraliste, Ray trouve ici un chemin vers la sérénité. Testamentaire.
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