Soderbergh s’empare à nouveau d’un grand sujet, la guerre de la drogue, à travers les histoires d’une poignée de personnages : d’un côté, quelques trafiquants, et quelques flics plus ou moins corrompus (Benicio del Toro), tous mexicains, de l’autre le Monsieur anti-drogue du gouvernement US (Michael Douglas), droit dans ses bottes intransigeantes et répressives, sa […]
Soderbergh s’empare à nouveau d’un grand sujet, la guerre de la drogue, à travers les histoires d’une poignée de personnages : d’un côté, quelques trafiquants, et quelques flics plus ou moins corrompus (Benicio del Toro), tous mexicains, de l’autre le Monsieur anti-drogue du gouvernement US (Michael Douglas), droit dans ses bottes intransigeantes et répressives, sa fille qui crack, et quelques flics incorruptibles, tous américains. En bon social-démocrate, Soderbergh tente d’aller au-delà des stéréotypes, de lever la pâte humaine des uns et des autres en montrant les contradictions auxquelles ils font face, notamment entre leurs activités et leurs familles. Le grand chef du cartel, tout pourri qu’il est, a une femme et un fils qu’il aime, et le haut fonctionnaire anti-drogue suit un itinéraire qui va, disons, d’une attitude rigide plutôt républicaine à un assouplissement et une volonté de comprendre sa junkie de fille plutôt démocrate. Mais Soderbergh demeure aussi très américain, c’est-à-dire quelqu’un qui, républicain ou démocrate, possède une vision des affaires du monde ethnocentrée et naïve. Dans Traffic, pas une allusion aux éventuelles responsabilités de l’Amérique dans le circuit planétaire de la drogue, pas l’ombre d’un soupçon sur les probables collusions mafias/gouvernements, ou sur les intérêts économiques et diplomatiques des états’ Si Douglas finit par démissionner de son poste de super-Pasqua (dans une scène assez improbable), ce n’est pas parce qu’il réalise que l’Amérique fait semblant de combattre la drogue, mais parce que sa fille est malade. Malgré sa patience à regarder chacun de ses personnages avec un minimum de soin et de durée, Soderbergh ne s’interroge pas sur les dessous et les hypocrisies de la propagande américaine sur la lutte anti-drogue, et présente un monde où les métèques (trafiquants latinos ou dealers de quartier noirs) empoisonnent la belle jeunesse wasp. C’est un peu court et il est curieux que les nombreux thuriféraires du film sniffent sans ciller cette idéologie américano-familiale dealée sur tous les écrans du globe. Autre sujet d’agacement : pourquoi filmer le Mexique en jaune brûlé et l’Amérique en bleu glacé ? Pour faire auteur ? Chaque fois que Soderbergh a des velléités formalistes, il tombe dans le chichi voyant et creux. C’est d’autant plus dommage qu’il n’a pas besoin de ça puisqu’il sait remarquablement bien mener un récit, entrecroiser plusieurs histoires, diriger ses comédiens et dramatiser une situation. Ainsi, malgré son idéologie Mickey et son esthétisme inutile, Traffic est un film de deux heures et demi où l’on ne s’ennuie jamais. Ce savoir-faire là, pour le coup, est à porter au crédit de l’Amérique et de Soderbergh.
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