25 ans après un rite initiatique païen qui avait mal tourné, le passé et la violence ressurgissent soudain dans un petit village portugais.
Coécrit avec Tiago Rodrigues (le fameux metteur en scène portugais, actuel directeur du festival d’Avignon), le nouveau film de Tiago Guedes (Le Domaine) est une tragédie contemporaine habitée par des forces païennes.
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Le film raconte l’histoire de Laureano. Il y a 25 ans, dans un petit village du nord du Portugal, une sorte de cérémonie initiatique ancestrale et débile réservée aux adolescents mâles a mal viré lorsque Laureano a voulu défendre une fille d’une agression sexuelle évidente mais ritualisée, presque obligatoire, considérée comme “normale” par tous·tes. Laureano ne s’en est jamais remis, et aucun de ses amis, qui l’ont proprement lynché, ne s’est jamais excusé de rien. On nage en pleine folie et tyrannie patriarcale.
Aujourd’hui, les adolescents sont devenus des hommes, des notables (le gendarme, le maire, le propriétaire terrien, etc.), sauf Laureano, qui vit seul en marge du village avec une horde de chiens qui le suit partout. On le tient à l’écart, les enfants lui jettent des pierres. Seule Leonor, l’adolescente qu’il avait voulu protéger, devenue femme et mère, lui rend régulièrement visite et l’aide un peu, sans qu’on sache la nature des sentiments qui l’habitent : de l’affection, de remords, ou de la culpabilité, de la pitié ?
Le même air qu’il y a un quart de siècle
Or, le soir de la fête du village, on retrouve le cadavre d’un adolescent du village, sans doute tué par des chiens. C’est le fils de l’un de ceux qui avaient martyrisé Laureano.
Karl Marx aurait dit : “l’histoire ne se répète pas, elle bégaye”, et c’est comme si, dans Traces, un dieu cruel venait reposer le bras de son électrophone dans le premier sillon d’un vinyle pour que se rejoue le même air qu’il y a un quart de siècle. C’est cette histoire que raconte Traces, qui rappelle (avec une autre forme, qui repose moins sur le suspense) As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, avec un ton plus mythologique, plus religieux presque.
Parce qu’il est question ici d’images culturelles hélas bien connues, de victime expiatoire, de bouc émissaire, de sacrifice, de vengeance, de trahison et d’honneur. Un film très noir qui ne donne sa chance à aucun être humain, pas même aux femmes, complices de traditions stupides, dramatiques, sanglantes inventées par les hommes, mais qu’elles ne remettent jamais en cause.
Traces de Tiago Guedes, avec Nuno Lopes, Albano Jerónimo, Leonor Vasconcelos. En salle le 8 février.
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