Le scénariste de quelques-uns des meilleurs films des années 70 (Taxi driver, Obsession) n’a jamais vraiment réussi à convaincre en tant que cinéaste. Son impuissance à passer de façon probante de la théorie à la pratique, son incapacité à acclimater à Hollywood les trouvailles formelles du cinéma moderne européen ont toujours hypothéqué son œuvre. A […]
Le scénariste de quelques-uns des meilleurs films des années 70 (Taxi driver, Obsession) n’a jamais vraiment réussi à convaincre en tant que cinéaste. Son impuissance à passer de façon probante de la théorie à la pratique, son incapacité à acclimater à Hollywood les trouvailles formelles du cinéma moderne européen ont toujours hypothéqué son œuvre. A l’exception de Blue collar et surtout de Light sleeper, Schrader n’a certainement pas été le mieux placé pour mettre en valeur son univers personnel et ses obsessions très particulières marquées par un protestantisme sévère. A priori, le récit de Touch, adapté par Schrader d’un roman d’Elmore Leonard, avait tout pour séduire l’auteur d’American gigolo. Un vendeur de voitures baratineur et escroc, prêtre défroqué (Christopher Walken toujours impeccable), tente d’exploiter commercialement Juvenal, un jeune homme ex-moine franciscain dont on découvre qu’il est capable d’accomplir des miracles et de guérir les malades.
Le thème de la foi confrontée au matérialisme vulgaire de l’Amérique contemporaine avait sans doute de quoi allécher le puritain Schrader. C’est peu de dire pourtant que le cinéaste aborde tout ça avec une désinvolture coupable. Touch est en fait une charge grossière contre le catholicisme caricaturé ici de diverses façons. Le personnage du prêtre atteint de dysenterie et contraint de quitter l’office religieux pour aller aux toilettes en dit long sur la subtilité du propos. Le film prend d’ailleurs un malin plaisir à accumuler les détails triviaux (un intégriste furieux flaire un Tampax, la mère d’un enfant miraculé se révèle être une pute). Les moments de réelle intensité (l’apparition des stigmates sur le personnage de Juvenal, incarné par un clone de Johnny Depp) sont incroyablement étouffés par l’humour sarcastique du film. La mise en scène use par ailleurs d’effets un rien lourdauds. Exemple : chaque apparition de Walken débute par un plan sur ses chaussures. La mollesse de la narration est telle qu’il est impossible de comprendre avant un moment où le cinéaste veut en venir. Cette vague nonchalance qui faisait le prix de Light sleeper, une des rares authentiques réussites de Schrader réalisateur, est ici particulièrement inopérante.
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