Le Festival de Toronto s’est achevé hier sur un palmarès sans grande surprise mais ménageant quelques découvertes cinéphiles. Alors que « La La Land » et « Jackie » continuent leur course vers la gloire, Casey Affleck livre sa plus belle composition et un jeune réalisateur argentin ausculte le contemporain par le biais de la Wi-fi.
Le Festival de Toronto s’est achevé ce week-end sur un palmarès sans grande surprise. Le Prix Platform (pour la deuxième tenue de cette petite compétition de 16 films, sur les 300 montrés au TIFF) est revenu à Jackie de Pablo Larrain, tandis que le public de Midnight Madness (section dédiée aux films de genre) plébiscitait Free Fire de l’Anglais Ben Wheatley. Quant au Grand Prix du public, le plus prestigieux dans ce festival essentiellement populaire, il est allé, comme prévu, à La La Land.
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Une confirmation, si besoin était, que le troisième film de Damien Chazelle – et non le second comme nous l’écrivions lors d’un précédent billet – va être difficile à stopper sur la route aux Oscars, cette récompense s’étant presque toujours, ces dernières années, révélée prémonitoire (Happiness Therapy, 12 Years a Slave, Imitation Game ou Room en furent par exemple lauréats avant de briller aux Academy Awards). Sans crier au génie, avouons qu’une semaine après sa projection, cet irrésistible bonbon nous laisse un petit goût de revenez-y…
Moins cependant que Manchester by the Sea, friandise plus amère sans doute, mais résolument entêtante. Ce troisième film de Kenneth Lonergan (auteur du paraît-il très beau Margaret, sorti en 2011) est un mélodrame d’une tenue exemplaire et d’une puissance rare, se construisant brique après brique sans céder à la moindre facilité. Casey Affleck, dans ce qui est peut-être son meilleur rôle, y joue un type opaque et taciturne, brisé par un accident qu’on découvre progressivement à la faveur de flash-backs, et qui se voit soudain confier la garde de son neveu, âgé de 16 ans (donc presque adulte).
Habile narrateur, mêlant les strates temporelles et émotionnelles avec une virtuosité sans ostentation, Kenneth Lonergan varie les tons comme un boxeur les coups, sans qu’il ne soit jamais possible de prévoir la teneur de la séquence à suivre. Il le fait l’air de rien, se coltinant chaque scène sans frime, méthodiquement. On ne voit que Louis C.K., ces dernières années (et sur un format très différent), pour avoir tenté pareille incursion dans la mélasse humaine la plus ingrate a priori, et en être sorti ainsi victorieux, par KO au dernier round.
Dans un tout autre genre, Eduardo “Teddy” Williams confirme, avec son premier long métrage, tous les espoirs placés en lui – rappelons que nous l’avions choisi l‘an dernier parmi les 30 artistes de moins de 30 ans à suivre. Entre documentaire et fiction, son Apogée humain (El Auge del humano) ne ressemble à rien de connu, si ce n’est peut-être à certains films de Weerasethakul, cherchant la magie dans le réel le plus prosaïque, l’hyper-contemporain dans les formes les plus archaïques.
Il s’agit en l’occurrence de filmer des jeunes gens dans trois pays (son Argentine natale, le Mozambique, les Philippines), et de montrer que, dans la jungle, au milieu de la savane, dans les rues d’un village inondé, devant des barres d’immeubles ou dans une chambre branchée à chartubate.com, tous ont au fond la même obsession : trouver du wifi. Cela sonne comme une blague, mais Williams prend son sujet (la connexion) très au sérieux, et livre une vérité sur la mondialisation, bien au-delà des blêmes constats sociologiques et des froides analyses de flux économiques (qu’une dernière scène, sublime, dans une usine d’iPhone, vient toutefois rappeler). On est sorti de la projection titubant de bonheur. Aux dernières nouvelles, le film se cherchait un distributeur ; il serait insensé qu’il n’en trouve pas.
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