TONY TAKITANI DE JUN ICHIKAWA
avec Issey Ogata, Rie Miyazawa
Premier film diffusé en France d’un quinquagénaire nippon qui œuvre dans le dépouillement et la suggestion.
Jun Ichikawa tourne depuis 1987. De lui on avait seulement aperçu un très beau Dying at a Hospital dans un festival il y a des lustres. Tony Takitani confirme la délicatesse du doigté de ce cinéaste en chambre, qui transcende son maniérisme évident par une sensibilité romanesque accomplie ambiance ligne claire. Adaptant une nouvelle de Haruki Murakami, le cinéaste a choisi de la restituer dans son intégralité, en subordonnant la mise en scène, frontale et dépouillée, au récit. Fils solitaire d’un jazzman, Tony Takitani est devenu un illustrateur recherché dans le monde de l’édition. Adulte, il reste un homme tranquille, vivant de son art. Jusqu’au jour où une jeune femme, Eiko, croise son chemin. Mais elle éprouve une passion maladive pour les vêtements…
Au début, la réalisation déroute car son minimalisme est assez voyant. Couleurs désaturées à la limite du noir et blanc, recours obsessionnel aux travellings latéraux donnant l’impression qu’une énorme pellicule défile horizontalement sur l’écran, scènes de la vie de Takitani reconstituées dans des décors stylisés. On se croirait dans le vase clos théâtral d’un studio, s’il n’y avait des découvertes images de rue, paysages figurant habilement des fenêtres surdimensionnées derrière les personnages. On ignore le comment de la réalisation d’un tel effet (incrustation, projection ?), mais il a pour vertu d’isoler les personnages tout en faisant entrer la vie dans leur univers. L’existence de Takitani, narrée par une voix off, accompagnée au piano à la manière de Satie par Ryuichi Sakamoto, se déploie sous forme de tableaux. Mais pas la moindre froideur car le jeu des comédiens n’est pas hiératique. Juste retenu. Peu à peu l’histoire se réchauffe, se dramatise, jusqu’à atteindre une sorte de climax émotionnel quand, après la mort accidentelle de l’héroïne, Takitani engage une jeune femme pour la remplacer. Substitution troublante et contre nature qui provoque la chute de la maison Takitani. Il n’y a plus que le vide, signifié par la pièce débarrassée des centaines de vêtements d’Eiko, où le héros s’allonge. Maniériste oui, mais surtout tragique. Un mélo interne.
Vincent Ostria
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