Massif et tatoué, l’acteur britannique Tom Hardy fait son trou du côté de Hollywood sans se la jouer. Il est à l’affiche du bien nommé « Warrior ». Présentations.
C’est en jogging-T-shirt, le crâne rasé et les bras couverts de tatouages (dont un saillant « il figlio mio é bellissimo » – « mon fils est très beau ») que Tom Hardy nous accueille dans sa chambre d’hôtel, à Paris. L’accolade est virile, le salut franc : « Hey mec, comment ça va ? » Sitôt sur le canapé, il montre des signes d’impatience, change de position toutes les deux minutes, parle à toute vitesse d’une voix éraillée, rit comme quatre, se grattouille, bâille, tousse, mais jamais ne se départ du sourire qui éclaire son visage massif, à la Brando.
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En promotion pour Warrior, il semble n’être pas encore sorti de son rôle – ou c’est en tout cas l’impression qu’il souhaite donner. Il joue, dans ce film de Gavin O’Connor (Le Prix de la loyauté, 2008), un ex-marine champion de free fight (un art martial combiné, très violent), qui croise la route de son frère ennemi dans un tournoi prestigieux. Tous les deux ont besoin de la récompense, un seul rentrera victorieux. Le drame à oscars typique, avec son conflit familial et son scénario de rédemption, dans la veine de The Wrestler ou The Fighter.
« Pour percer, j’avais besoin d’une aide extérieure »
Lorsqu’on lui demande, non sans arrière-pensée, ce qui l’a attiré dans ce rôle, la réponse fuse :
“Franchement ? Je veux être une plus grosse star. (rires) Warrior est un ‘véhicule américain’ : pour un acteur anglais comme moi, c’est vital de décrocher ce genre de rôle. Ça me donne accès à un marché plus grand et me rend plus crédible dans mon propre pays. J’ai passé beaucoup de temps en Angleterre à jouer dans des petits films, avec des compagnies de théâtre, à écrire, etc. Pour percer, j’avais besoin d’une aide extérieure : c’est Hollywood qui me la donne.”
Une franchise peu commune, qui tranche avec les habituels : a) “c’est un rôle tellement profond” ; b) “le réalisateur est un génie” ; c) “c’est le meilleur scénario que j’aie jamais lu”.
A 34 ans, Tom Hardy sait qu’il n’a plus de temps à perdre et l’avoue sans honte. Encore peu connu à l’époque où le scénario de Warrior a atterri dans ses mains (“il ne m’était pas destiné, j’ai dû le voler !”), il s’est battu pour convaincre le réalisateur d’abord, le studio ensuite. A coups de “voyages à Los Angeles” et d’“essais tonitruants” ; “je le voulais plus que quiconque”, confie-t-il en tapant du poing contre sa paume.
C’était avant la sortie de Bronson (en 2009) et avant le tournage d’Inception (sorti en 2010), deux films qui l’ont depuis mis sur la liste des acteurs à surveiller de près. Dans le premier, sous la direction de Nicolas Winding Refn, il incarne Charles Bronson, “prisonnier le plus célèbre d’Angleterre”. Une bête humaine, monstre de narcissisme et pitre boursouflé dont il garde un bon souvenir, malgré la capacité du réalisateur danois à lui taper sur les nerfs : “C’est un emmerdeur de première mais je l’admire. Sans lui je serais peut-être pas là. Mais sans moi, il n’en serait peut-être pas là non plus.” Entre ambitieux, on se comprend…
« Si je joue un enfoiré, ça doit être le pire enfoiré qui existe »
L’année suivante, Christopher Nolan lui offre son premier rôle d’importance à Hollywood (après des petits cachets en tant que soldat au début des années 2000 dans La Chute du faucon noir et Frères d’armes). Ce sera Eames, l’un des membres du commando d’Inception, l’expert en fausse identité, le beau parleur aux costumes chic capable, en cas de grabuge, de nettoyer le terrain au M16. Un dandy punk qui colle parfaitement à ce que recherche Tom Hardy au cinéma :
“J’aime mélanger le classique et le moderne, l’anarchique et le structuré, la folie et la maîtrise. Avant tout, j’aime quand les choses sont poussées à leur extrémité. Si je joue un fou, il doit être hyperfou. Si je joue un enfoiré, ça doit être le pire enfoiré qui existe. Et s’il est poli et propre sur lui, c’est encore mieux.”
Ses acteurs préférés ? Gary Oldman (“Dracula is big !”), De Niro et Pacino jeunes, Michael Shannon “pour son intensité”, Sam Rockwell “pour sa vélocité et son habileté”, ainsi que Vincent Cassel, qu’il a trouvé brillant dans Mesrine – une évidence, tant les deux semblent dessiner le même type de jeu, entre allégeance à la “méthode”, cabotinage shakespearien et outrances physiques. Plus surprenant, l’acteur voue un culte à Isabelle Huppert, dont l’intériorité insondable le fascine.
Avant le cinéma, Tom Hardy a fait beaucoup de théâtre, pour lequel il garde une tendresse particulière. « J’étais une petite frappe qui ne savait pas quoi faire de ses dix doigts. Acteur est tout simplement le premier boulot qui s’est présenté. Ma mère dansait, mon père écrivait, j’ai donc grandi dans un environnement très favorable à l’expression artistique. Mais à 15 ans, je faisais n’importe quoi. C’est le théâtre qui m’a sorti de la rue.
Seulement, bon, c’est pas ça qui va payer l’école de mes trois gosses. » (rires) Un personnage qu’il rêverait de jouer ? A nouveau la même franchise, désarmante, imparable : « Tartuffe, de Molière. Débonnaire et doux à l’extérieur, un vrai chien dès que les gens ont le dos tourné. Pour être honnête, je ne le connaissais pas il y a deux heures, mais je suis passé devant une affiche et quelqu’un m’a pitché la pièce. Je n’ai pas besoin de plus : je l’aime déjà. » Nous aussi, on l’aime déjà.
Jacky Goldberg
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