Des parcs, des mystères, des fantômes : la touchante chronique d’une société japonaise sonnée.
Un jeune apprenti photographe s’exerce en shootant au hasard les passants dans un parc. Son objectif s’attarde sur une très belle jeune femme qui se promène avec sa toute petite fille.
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Un inconnu, qui suivait la jeune femme et a remarqué le photographe, l’aborde soudain avec véhémence. C’est le mari. Passé la suspicion, il propose de payer le jeune homme pour épier son épouse et lui envoyer les photos de ses journées par SMS.
C’est le versant Blow up du film (Antonioni, 1966). D’autant plus que la jeune femme n’a manifestement aucun secret, elle passe seulement ses journées dans les parcs.
Pourtant, au fil de l’intrigue, le jeune homme découvre avec stupeur que la trajectoire de sa cible dessine, de parc en parc, une spirale sur le plan de Tokyo. Cette spirale, combinée au motif de l’homme qui commande une filature de sa femme, mais aussi à celui de l’amour obsédant pour des fantômes, c’est la piste Vertigo du film (Hitchcock, 1958).
Tokyo Park est assurément un film de cinéphile. Il dépasse cependant très vite cette amusante greffe de deux chefs-d’œuvre sur les faux-semblants et les devinettes métaphysiques sans réponse.
Ce qui frappe dans le film, c’est son étrange douceur. Même la jalousie qui démange le mari ne prend pas une forme agressive. D’ailleurs, très vite l’action se décentre et s’attarde sur le quotidien de l’entourage du photographe.
Là, tous les personnages couvent un grand chagrin, généralement le deuil d’une personne aimée. Tous sont seuls, dans l’incapacité de refaire leur vie. L’amour est mort ; à sa place règne une camaraderie tendre et asexuée : la première demande de tous les personnages est d’être consolé.
Le film le plus connu de Shinji Aoyama, le seul à avoir connu une vraie exposition en France, Eureka (2000), était déjà une fiction de résilience (le quotidien de deux enfants après une prise d’otage). Ici, la catastrophe n’est pas nommée.
Pourtant, dans la tentative de chacun de dépasser un grand abattement s’entendent bien sûr des échos de la crise économique (tous les personnages enchaînent les petits boulots, n’ont pas de statut social défini) et de Fukushima, survenu pourtant durant le mixage du film.
Moins poignant et frontal que le chef-d’œuvre Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa, plus classique dans la forme que les précédents films de son auteur, Tokyo Park se révèle néanmoins un croquis subtil et touchant d’une société en rémission.
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