Une fable distanciée et intrigante sur la communauté juive orthodoxe.
Avishai Sivan semble avoir entendu les réserves de certains lors de la sortie du Vagabond, premier volet de sa trilogie située dans la communauté orthodoxe juive de Jérusalem. On reprochait au film une radicalité affichée, en gros un côté arty et désincarné.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Du coup, Sivan, au lieu de réduire ses ambitions formelles dans cette deuxième partie pour aller vers plus de romanesque, de chaleur humaine et de psychologie, surenchérit en accentuant ses options esthétiques. De plus, cette fois c’est tourné en noir et blanc, ce qui renforce la distanciation et infère presque la connotation poétique.
Cependant, le film n’est ni abscons ni rigoriste, mais très désarticulé. A des scènes dialoguées assez classiques succèdent des plages d’errance du personnage principal, Haïm-Aaron, étudiant de yeshiva calme et fluet presque identique au héros du Vagabond. Un vrai stakhanoviste, qui se tue quasiment à l’étude de la Torah et du Talmud.
La plus étrange scène vue au cinéma cette année
Cet antihéros est presque mutique, et la plupart des séquences, ainsi que le film tout entier, échappent à une quelconque résolution. Les déambulations et souffrances de Haïm-Aaron se transmuent en une quête énigmatique du sens, voire en questionnement métaphysique de la matière.
L’étudiant déteste son corps. Son père travaillant dans un abattoir traditionnel, il devient végétarien et ascétique. Pourtant, il a tout de même des pulsions charnelles, qui tournent court, pour finir par se condenser dans la plus étrange scène vue au cinéma cette année, après un accident d’auto (on n’en dira pas plus).
Sans être complètement convaincu, car on ne voit pas bien à quoi tout cela rime, on ne peut pas ignorer l’humour sous-jacent de cette fable, aussi déroutant que discret. On pourrait lui trouver des vertus burlesques ou kafkaïennes, mais ça serait encore trop explicite pour un cinéaste qui raisonne par l’absurde. Il satirise la société israélienne (ou occidentale) en poussant le puritanisme (ou le désir de pureté) de son personnage à l’excès. Une provocation qui ne manque ni de charme, ni de beauté.
Tikkoun d’Avishai Sivan (Isr., 2015, 2 h)
{"type":"Banniere-Basse"}