Amanda Nell Eu aborde la puberté comme une monstruosité joyeuse, dans un premier long métrage à la force de frappe étonnante.
Récompensé du grand prix de la Semaine de la critique en mai dernier, Tiger Stripes nous arrive depuis un territoire, la Malaisie, dont on avait peu d’échos après l’avènement d’une nouvelle vague de cinéastes au début des années 2000. L’occasion de renouer (en partie, puisque le film est coproduit par huit pays) avec une industrie cinématographique tout en prenant le pouls d’une jeu génération malaisienne.
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La singularité de Tiger Stripes tient dans la façon dont il marie son particularisme, son ancrage local – une communauté rurale implantée au cœur de la Malaisie –, son folklore ambiant bercé de mythes et de légendes, à des zones aussi communes que sont celles du conte, de l’horreur et du teen movie.
Précisément, celui-ci se situe ici sur les terres iconiques du Carrie au bal du diable de Brian De Palma, à ceci près que l’irruption dans le corps de Zaffan (Zafreen Zairizal, premier rôle, dont la joie téméraire suffit à faire crépiter un souffle insurrectionnel sur tout le récit) de ses premières règles n’est pas regardée avec un œil épouvanté mais provoque une réaction banalement inquiète. Au film ensuite d’endosser parfaitement son rituel de métamorphoses pour nous servir goulûment toutes les étapes de métaphores usuelles : peau irritée jusqu’au sang, ongle arraché, imposant poil planté au milieu du visage et élan carnassier.
À l’inverse de ses aînés, ce premier long signé Amanda Nell se trouve moins concerné par la question du désir associé à ces transmutations que galvanisé par l’expansion d’un corps en surpuissance. Avec une force de frappe étonnante (à regarder le film, on se dit qu’on avait rarement rencontré pareilles jeunes filles), Tiger Stripes finit par retourner les stigmates de la saleté (sang, poils, transpiration…) pour en célébrer chaque métastase moite comme les armes nouvelles d’une sauvagerie impolie et salutaire.
Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu, avec Zafreen Zairizal, Deena Ezral (Mal., Taï., Sing., Fr., All., P.-B., Indo., Qat., 2023, 1h35). En salle le 13 mars.
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