Le réalisateur d’Old Boy livre un film de vampire fidèle à son esthétique clinquante et roublarde.
Depuis Joint Security Area (2000), Park Chan-wook peaufine un style fait d’hybridation (film de genre un peu gore et film d’auteur pour festival international), d’hyperbole visuelle et d’hystérie, vendu comme de la super-tragédie sanglante. Sa “trilogie de la vengeance” – Sympathy for Mr. Vengeance (2003), Old Boy (2004), Lady Vengeance (2005) – dessinait une démarche déplaisante en noyant ses personnages dans des abîmes d’un désespoir très factice.
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Le calvaire du protagoniste d’Old Boy rappelait ainsi moins Œdipe qu’un œdème où se logeaient épate clinquante – regardez ce que je pourrais faire si j’avais un marteau et un poulpe – et complaisance. Le dolorisme recherché chez Park Chan-wook n’aboutit souvent qu’à une sadisation. Et son empathie et sa compassion revendiquées pour ses créatures font se dire qu’on aurait envie de filer si le réalisateur voulait un jour nous aider à changer un pneu crevé.
Prix du Jury à Cannes, Thirst connaît les mêmes écueils, la vengeance en moins. Park se frotte au film de vampires. Plutôt que de ruminer dans sa paroisse, Sang-hyeon, un prêtre en proie au doute, est le cobaye volontaire pour un vaccin contre un virus africain mortel. Des communiants de Bergman à Resident Evil, l’expérience tourne mal : il devient vampire, embrasse vite ses nouveaux appétits et s’éprend de l’épouse manipulatrice d’un de ses copains d’enfance. Le vampire, ce contemporain essentiel, est un vaisseau pour les anxiétés en vigueur mais Thirst échoue à les embarquer bien loin.
Il était d’autant plus intéressant de voir comment cette figure du vampire si liée au christianisme (et donc à la culpabilité) pouvait s’exporter en Corée du Sud. Mais ici, cent trente-trois minutes de prêtre défroqué n’ont pas l’éclat blasphématoire de ces plans où l’œil de l’héroïne de Secret Sunshine accusait les cieux divins en plein coït. Thirst a beau vouloir provoquer et multiplier les humeurs, il se disperse souvent et peine à s’élever au-dessus du geste de petit malin.
Comble d’un genre par définition charnel, l’ensemble est assez désincarnédans sa violence et ses personnages – Song Kang-ho (Memories of Murder, The Host), acteur qu’on adore par ailleurs pour sa fausse placidité, sauve à peine les atermoiements de son rôle de prêtre. La dernière séquence à la plage, la meilleure idée du film, vient alors un peu tard. Park arrive enfin à tirer quelque chose de ses jeux tortionnaires et de ses prédateurs, lorsqu’il les transforme en figures élastiques entre cartoon et Super Mario Bros. La condition du vampire devient alors un vrai mal, aux symptômes plus éloquents que les massacres pseudo-comiques qui émaillent Thirst.
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