Les mots de Moz. On en avait déjà la certitude de leur vivant : les Smiths demeurent le dernier grand groupe de rock anglais de l’âge classique. D’un classicisme déjà mûr, très conscient de l’être et, pour cette raison, à la limite d’un formalisme un peu morbide. En quatre ans, de 1983 à 1987, les […]
Les mots de Moz. On en avait déjà la certitude de leur vivant : les Smiths demeurent le dernier grand groupe de rock anglais de l’âge classique. D’un classicisme déjà mûr, très conscient de l’être et, pour cette raison, à la limite d’un formalisme un peu morbide. En quatre ans, de 1983 à 1987, les Smiths ont réalisé une succession de simples et d’albums, plus une quantité de chansons éparses, où l’on aurait du mal à trouver un seul ratage, une seule médiocrité à moins que l’on ne soit un ennemi juré du groupe. Pourquoi classique ? Parce que les chansons des Smiths avaient, tout simplement, un sens accordé à leur forme. Lorsque Morrissey chantait d’une voix lugubre « Il se pourrait bien que je meure un sourire aux lèvres » sur un passage de That joke isn’t funny anymore (il apparaît à la réécoute de ce titre que jamais les Smiths n’ont mieux sonné que sur Meat is murder, dont le son sec et hargneux a gardé toute sa force), il arrivait quelque chose qui n’arrive plus : on y croyait. Parce qu’il y croyait. On n’avait pas affaire à un chanteur voulant créer tel effet, mais à un être humain qui vous disait quelque chose qu’il avait sur le coeur, avec un talent, un culot et une finesse rares. Tout le reste arpèges de guitare, « ligne claire » et compagnie demeure aujourd’hui baratin pour magazine spécialisé. Bien sûr, Johnny Marr était un excellent guitariste et arrangeur, très doué pour son jeune âge. Mais les Smiths n’ont pas du tout inventé un style musical : ils se sont pas mal inspirés de Jam au début, puis sont allés chercher, à l’époque de Big mouth strikes again et Panic, du côté des Rolling Stones et de T-Rex. Bref, ils ont bricolé avec les musiques qu’ils aimaient, en leur donnant une certaine couleur et en poussant loin époque oblige le souci de la forme.
Pour les Smiths, le rock était, comme avant eux pour les Kinks, les Who, puis pour Jam, un langage, le moyen de dire quelque chose, et pas une fin en soi. La meilleure preuve, c’est que Morrissey après les Smiths est devenu, musicalement parlant, un véritable caméléon, très loin de la rigueur formaliste de Johnny Marr. Il ne s’est plus intéressé à la musique que parce qu’elle lui fournissait une certaine couleur d’arrangements. C’est ce que cette compilation drôlement intitulée The World of Morrissey vient rappeler : pour lui, seul compte le chant et sa capacité à transporter, à travers des mots, l’auditeur dans un autre monde. Autant appeler les choses par leur nom : Morrissey croit, comme un enfant borné, à la poésie et à son pouvoir sur les gens. La majorité, elle, croit à la bonne musique et aux bons disques. Mais quel sens aurait la poésie si la majorité des gens y croyait ?
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