Le nouveau film du cinéaste chilien Sebastián Lelio, avec Florence Pugh, parle du pouvoir des histoires : celles qui nous aveuglent, celles qui nous sauvent. Hélas, la sienne nous aura surtout ennuyé.
The Wonder commence par briser le quatrième mur : on voit un décor en construction sur un plateau de cinéma vide, tandis qu’une voix off nous interpelle pour expliquer que les personnages dont nous allons faire la connaissance ont une foi totale en leur histoire, que nous ne sommes rien sans histoires, avant de nous sommer avec insistance de croire en celle-ci. Cette intro lointainement méta, sursignifiante et calée au chausse-pied, aura pour unique fonction d’enrober un film autrement parfaitement académique d’un semblant d’iconoclasme ; mais son artificialité patente trahit un certain volontarisme.
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L’histoire dont il est question est celle que se raconte une communauté rurale, profondément croyante, dans la campagne irlandaise bigote du XIXe siècle. Celle d’Anna, une jeune fille touchée par la grâce, qui aurait arrêté de se nourrir depuis quatre mois, sans la moindre conséquence sur sa santé. Un miracle. Alors, pour authentifier cet acte divin, les instances du village font appel à Lib Wright, une infirmière venue d’Angleterre (c’est Florence Pugh) et à une nonne, qui auront pour mission d’observer jour et nuit la jeune fille, elle aussi farouchement croyante, et persuadée que Dieu s’exprime à travers son jeûne volontaire. Mais après seulement quelques jours d’observation, la sceptique Lib, secondée par un journaliste venu couvrir l’affaire (Tom Burke), se rend compte que la “manne céleste” qui nourrit Anna pourrait être moins immatérielle qu’annoncée, et met à jour une supercherie. La santé d’Anna est en danger, alors Lib devra ruser à son tour, et raconter une histoire à la jeune fille pour la sauver de son influence délétère.
Un classicisme forcené
Rien de neuf sous le soleil (de Satan?) et The Wonder déroule son récit avec un classicisme forcené qui confine à l’austérité, autant formelle que narrative. Paysages mornes, dialogues désincarnés, mise en scène lointainement figurative : le film Netflix du cinéaste chilien Sebastián Lelio (oscarisé en 2017 pour Une femme fantastique, sacré meilleur film en langue étrangère) ne dépasse jamais son sujet, somme toute commun, et se contente de l’illustrer platement, nous plongeant dans une torpeur languide qui, souvent, avoisine l’ennui. Il y avait pourtant matière à endiabler ce film trop sage, qui traite de l’obscurantisme religieux et de la folie aveugle à laquelle il conduit, autrement qu’en brisant sans raison apparente le quatrième mur, symbole probant d’une certaine sécheresse conceptuelle. “Nous ne sommes rien sans histoires”, nous rappelle par deux fois la voix off. Pas sûr que nous soyons transformé·es par celle-ci.
The Wonder de Sebastián Lelio, sur Netflix le 16 novembre.
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