Arab moderne. Avant de bricoler son intrigante pop pas propre, Arab Strap a fumé le mode d’emploi. Ainsi, Beck joue dans Trainspotting. Le rock anglais ayant pris la désolante habitude de ne regarder que trois points cardinaux (ses pieds, son nombril, son rétroviseur), la mutinerie menace à bord. Plus question de faire croire aux téméraires […]
Arab moderne. Avant de bricoler son intrigante pop pas propre, Arab Strap a fumé le mode d’emploi. Ainsi, Beck joue dans Trainspotting.
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Le rock anglais ayant pris la désolante habitude de ne regarder que trois points cardinaux (ses pieds, son nombril, son rétroviseur), la mutinerie menace à bord. Plus question de faire croire aux téméraires qu’il n’y a pas d’autre route, eux qui ont vu tant de rats quitter le navire pour aller danser, hilares, sur d’autres ponts. Même dans l’indie-rock ce bastion du conservatisme déguisé en corsaire , les boussoles autrefois bloquées sur la recette à suivre se mettent à perdre le nord. Chez les Ecossais vraiment intrigants d’Arab Strap, on a appris le rock chez The Fall ne jamais frapper deux fois au même endroit, quitte à taper dans le vide mais pas dans les disques de The Fall.
D’ailleurs, on se demande si Arab Strap a jamais écouté un disque, Vendredi d’une île sur laquelle aurait échoué une caisse d’instruments de musique : guitare sèche, boîte à rythmes, synthétiseurs. Mais une caisse fatiguée par le voyage, où l’eau aurait effacé toutes les mémoires, le sel torturé tous les engrenages. Alors ça grince, ça fait des bruits insensés de grosse caisse sur un slow, des larsens de guitare acoustique sur une boucle toute rouillée : au lieu de lire les instructions, Arab Strap a fait un énorme joint avec le manuel. Et ça délie les langues : qui, sur The Week never starts round here, décrivent, avec le rythme ivre et ironique d’un Irvine Welsh, le petit quotidien depuis la vitre d’une voiture volée. On appelle ça le joyriding : piquer une voiture et foncer droit devant, sans carte ni but. Arab Strap groupe écossais à la nonchalance jusque-là uniquement répertoriée chez quelques Américains génialement cool le fait avec l’insouciance qui protège, plus que toute médaille de saint Christophe, des accidents : ainsi The First big weekend, chose informe et martienne, réussit-il, dans les mains de Malcolm Middleton et Aidan Moffat, à devenir un triomphe d’art naïf, comme le meilleur New Order joué sur le pire gramophone (on pense curieusement au Courage des oiseaux en disant ça). Un groupe qui joue si dégagé de toute obligation militaire, sanitaire, monétaire finit forcément par croiser d’autres naufragés volontaires, d’autres exilés : le Bill Drummond qui déserta le triomphe de KLF pour enregistrer la country-folk très touchante et très invendable de The Man ; le Beck en exil politique sur les petits labels américains quand la machine hollywoodienne menaçait sa tignasse ; le Julian Cope qui déserta sa carrière pour partir, tout nu, à la recherche de Syd Barrett sur une poignée d’albums psychiatriques ; un Baby Bird qui ne serait jamais sorti de sa cave, les yeux pas du tout habitués aux projecteurs (Kate Moss) ; un Daniel Johnston qui aurait enfin découvert l’alcool (le poilant General plea to a girlfriend) ou un Smog qui saurait parfois allumer les antibrouillards (Blood)… Rencontres uniquement dues au hasard, chacun ayant depuis belle lurette perdu son agenda et sa boussole, ne se fiant qu’à sa bonne étoile. Celle d’Arab Strap est noire avec des pois roses.
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