Troisième adaptation de la trilogie de Roddy Doyle, The Van est un semi-échec, largement sauvé par des dialogues fleuris et des acteurs tonitruants. On ne manquera pas de dire, ici ou là, que The Van est un semi-échec, au vu du précédent opus de Frears, The Snapper. Si juste qu’elle soit, cette sentence risque de […]
Troisième adaptation de la trilogie de Roddy Doyle, The Van est un semi-échec, largement sauvé par des dialogues fleuris et des acteurs tonitruants.
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On ne manquera pas de dire, ici ou là, que The Van est un semi-échec, au vu du précédent opus de Frears, The Snapper. Si juste qu’elle soit, cette sentence risque de masquer la franche jubilation ressentie face à ce film qui en vaut bien d’autres. Puisque le jeu des comparaisons est de mise, il suffit de se référer à The Commitments, authentique navet d’Alan Parker et adaptation du premier volet de la trilogie romanesque de Roddy Doyle, pour réviser aussitôt son jugement. L’écrivain irlandais, scénariste et coproducteur de The Van, fait décidément le bon choix avec Frears et tous deux y gagnent. On retrouve ici le territoire de Barrytown, banlieue nord de Dublin, où la crise économique fait plus que jamais partie du décor. Fardeau quotidien, elle n’épargne personne. Et comme un signe d’atomisation, l’histoire se concentre non plus sur la vie de famille (traitée de manière périphérique) mais sur deux personnages, des copains de longue date, âgés d’une cinquantaine d’années. Larry (le tonitruant Colm Meaney) croupit dans un chômage de longue durée et Bimbo vient d’être licencié. Ce dernier, moins démonté que d’autres, songe assez vite à monter une échoppe ambulante pour y vendre des « fish & chips » et des hamburgers. Il dégotte un vieux van pourri et propose à son pote de devenir son partenaire.
Frears suit au jour le jour la galère tragicomique des deux compères en misant sur la dynamique des dialogues et des acteurs, tous très à l’aise dans un jeu direct, proche du vérisme. Les personnages, ordinaires et humains, nous sont immédiatement familiers. Combinant librement réalisme et fantaisie, le cinéaste orchestre les flux truculents d’une verve populaire, qui charrie et transfigure toutes sortes de sentiments élémentaires, de la colère au désappointement, de la gaieté à l’anxiété. On parle ici comme on respire, à tel point qu’il arrive fréquemment que les mots dépassent la pensée. Surtout pour Bimbo, incapable de se contrôler, et qui passe la moitié de son temps à s’excuser. La force du film tient justement dans son prosaïsme et sa trivialité compulsive (plus nette encore, semble-t-il, que dans The Snapper). Naturellement grossiers, partisans du rot franc et ample, Bimbo et Larry sont souvent à deux doigts de la beaufitude. Ils n’y sombrent pas : leur humour, leur dignité et leur conscience d’eux-mêmes les rattrapent à temps. Même gravement bourrés, ils ne sont jamais pathétiques.
L’entreprise connaît bien sûr de sérieuses difficultés. Si Bimbo et Larry deviennent rapidement des héros de cinéma, ils se débrouillent aussi comme des manches. Ils improvisent bien, mais vendent visiblement de la cochonnerie et surtout finissent par s’engueuler. Sous la farce pointe un diagnostic moins rose : la crise du travail est si profonde qu’elle risque à tout moment d’entamer la solidarité et la foi de ceux exclus qui résistent et, plus grave, de diviser l’individu, de le morceler. Bimbo a toujours du mal à trouver sa place, dans le van ou ailleurs. C’est un grand enfant, qui multiplie les rôles : lorsqu’il drague en boîte, il se fait passer pour un super chef d’entreprise ; et face à son ami, il se transforme en syndicaliste rageur. Orgueil démesuré ou forme légère de schizo ?
Frears lui-même s’amuse en s’éparpillant. Après avoir conquis plusieurs genres aux Etats-Unis, ce cinéaste anglais revient pour la seconde fois en Irlande, frère ennemi de l’Angleterre. Il s’ouvre et capte quelque chose des légendaires fierté et chaleur de ses habitants, notamment à travers des séquences exaltantes de retransmission de foot au pub (Coupe du monde 90, où l’Irlande a fait un bon parcours). Beau geste, à l’image du film : simple et généreux.
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