A l’extrême de la monotonie, le quotidien de deux êtres traumatisés touche à l’hypnose.
Il ne faut pas confondre Masahiro Kobayashi, auteur mal connu de plus de dix films (essentiellement vus dans les festivals ; seul Bashing est sorti en France), avec son homonyme prestigieux, Masaki Kobayashi (Kwaidan, Harakiri). The Rebirth est sans doute trop particulier pour lui permettre d’accéder enfin à la reconnaissance publique, mais son parti pris extrême force l’admiration. Qu’on y adhère ou pas, on ne peut pas nier l’intensité de cette expérience de cinéma poussée au comble de sa logique. Dans un premier temps, une femme témoigne, face caméra, à propos de l’acte commis par sa fille adolescente : elle a poignardé une camarade. Puis le père de la victime s’exprime à son tour de la même manière. Il évoque la possibilité de s’exiler, de changer de vie.
Cut. On retrouve cet homme, incarné par le cinéaste lui-même (acteur pour la première fois), dans une petite ville japonaise anonyme : il partage son temps entre une usine (aciérie ?) où il est ouvrier et un foyer où il loge. Il y croise constamment (coïncidence ?) la mère de la meurtrière, employée comme cuisinière dans la cantine de l’établissement. Hormis les témoignages du début et quelques bribes de voix off à la fin, le film est entièrement dépourvu de dialogues, ce qui renforce son caractère extrêmement répétitif. Si l’on excepte les rares tentatives d’approche, maladroites, brutales, mutiques, entre les deux personnages, le film se contente d’enregistrer leurs activités quotidiennes, routinières à l’extrême, dénuées de vie, de joie, de chaleur, souvent à la limite de la prostration.
Ce rituel, similaire à une ascèse (les chambres, dépouillées, tiennent de la cellule monacale), finit à la longue, grâce à ses infimes mais constantes variations, par produire une fascination proche de l’hypnose. Après avoir assisté de nombreuses fois au même enchaînement de séquences (travail à l’usine, retour au foyer, confection et prise de repas, toilette, lecture, réveil, petit déjeuner, etc.), on s’attend à ce qu’il se produise quelque chose qui fasse dérailler la mécanique. Cela finit par arriver, mais sur un mode tout aussi infinitésimal. Assiste-t-on à un processus de perdition, d’expiation, ou à l’amorce d’une renaissance suggérée par le titre ? C’est indécidable. L’essentiel, c’est le chemin, en l’occurrence le processus de concentration d’une réalité fonctionnelle qui aboutit à une forme de plénitude. L’ataraxie.