Réalisé en 1999, The Mission est un titre à part dans la filmographie de Johnnie To, et dans le paysage du cinéma de Hong Kong. Cinq professionnels retirés des affaires sont engagés pour assurer la protection d’un parrain local, devenu la cible d’attentats commandité par un mystérieux rival. L’équipe, à première vue miteuse et peu […]
Réalisé en 1999, The Mission est un titre à part dans la filmographie de Johnnie To, et dans le paysage du cinéma de Hong Kong. Cinq professionnels retirés des affaires sont engagés pour assurer la protection d’un parrain local, devenu la cible d’attentats commandité par un mystérieux rival. L’équipe, à première vue miteuse et peu digne de confiance, va se révéler d’une efficacité exceptionnelle. Mais en marge de l’affaire, un des équipiers a commis une erreur…
The Mission joue donc avec les signes de reconnaissance du polar, et du film de groupe. S’il place le spectateur en terrain connu, The Mission se distingue du tout venant du cinéma d’action hong-kongais. Il se situe à l’opposé du cinéma frénétique et déstructuré de Tsui Hark. Johnnie To renonce aussi au ton des films noirs désenchantés, un genre qu’il a illustré mieux que quiconque. The Mission ne propose rien de moins qu’une nouvelle forme de stylisation, qui doit beaucoup au cinéma japonais en général, et à Takeshi Kitano en particulier, tout en dépassant son modèle. Le film pose un regard ironique sur l’univers des triades, avec des gangsters qui se comportent en caricatures d’eux-mêmes.
Ceux de The Mission ne sont plus dans « un vouloir être », mais dans un « vouloir paraître » qui finit par réduire à néant leur crédibilité ou même leur puissance d’intervention. Ecartés des scènes de fusillades, les gangsters « officiels », ventre mou du film, préfèrent confier les tâches violentes à nos cinq gardes du corps. Mais le professionnalisme de ces derniers devra lui aussi connaître un travestissement d’usage. Ils laisseront choir leurs accoutrements de petites frappes ou de commerçant des bas quartiers pour revêtir leurs tenues de travail, costumes flashy et chemises de soie, aussi indispensables que leurs armes à leur nouvelles fonctions. Puisque le scénario et les acteurs ont déjà beaucoup (trop) servi, la mission de Johnnie To sera de créer une nouvelle dynamique formelle, en habillant son film de neuf (la mise en scène détonne et étonne) et en transformant ses acteurs en portemanteaux Armani. The Mission est avant tout une histoire de look. Le film revendique avec ostentation sa dimension fétichiste, évidente lors de la scène préliminaire où l’un des gardes du corps choisit avec un soin maniaque son outil de travail parmi une collection impressionnante d’armes de poing-référence à Eli Wallach dans Le Bon, la brute et le truand. La chaîne Kurosawa-Leone-Melville-Woo-Kitano n’est pas prête de se briser.
Le cinéma asiatique, toutes catégories confondues, s’est toujours fait remarquer par son traitement inhabituel de la durée. Point de ralentis, de montage hystérique ou d’arrêts sur image dans The Mission, œuvre calme, voire cool. Le film de Johnnie To est entièrement construit sur le principe de l’attente. To a l’idée géniale de diluer cette attente dans l’intégralité du métrage, et parvient à la rendre ludique plutôt qu’ennuyeuse, en transformant chaque temps mort sinon en morceau de bravoure, et en filmant au contraire les scènes d’action comme d’interminables plages d’immobilité (Leone, encore).
Néo polar exemplaire, The Mission constitue la réponse idéale aux images agressives, saccadées et idiotes qui pullulent dans le cinéma d’action. Le cinéaste, porté par le souci devenu rare de raconter une histoire uniquement grâce à la mise en scène, joue et gagne sur tous les tableaux.
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