Deuxième long métrage réalisé par Hopper, deux ans après Easy Rider. Un beau film, chaotique et halluciné.
Automne 1971. A deux mois d’intervalle sortent aux Etats-Unis La Dernière Séance (The Last Picture Show) de Peter Bogdanovich et The Last Movie de Dennis Hopper. En plus de leurs titres, également crépusculaires, augurant la mort (et la renaissance ?) du cinéma, ces films incarnent les deux versants du renouvellement générationnel et artistique qui caractérisèrent le Nouvel Hollywood.
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Si le premier, de facture classique, digère les influences, fordiennes ou hawksiennes, de ses illustres aînés en y injectant une amoralité nouvelle, le second, qui nous intéresse ici, se veut une fable chaotique, foutraque et résolument libre, dont l’ambition infuse est de dynamiter la manière traditionnelle de fabriquer un film.
Avec la garde rapprochée de Hopper
The Last Movie s’ouvre sur un tournage ; un cinéaste (Samuel Fuller, cigare aux lèvres, jouant son propre rôle) dirige un western dans un village péruvien niché dans les Andes devant les yeux émerveillés de ses habitants. Le tournage terminé, l’équipe du film s’en va à l’exception d’un cascadeur (Dennis Hopper) qui s’installe dans la région avec Maria, une beauté locale. Les villageois entreprennent alors de recréer le tournage auxquels ils ont assisté, avec de fausses caméras faites de bois mais une violence bien réelle. En plus de Hopper figurent au casting la garde rapprochée du cinéaste : Peter Fonda, Kris Kristofferson et Michelle Phillips, la chanteuse du groupe de rock californien The Mamas And The Papas.
Deux ans après le succès d’Easy Rider, Hopper livre avec The Last Movie un long métrage encore plus inclassable, fou et déluré que son précédent film. Le tournage, dont Peter Biskind fait la chronique savoureuse dans son ouvrage Le Nouvel Hollywood, s’enlisa dans une longue orgie de drogues, d’alcools et de sexe qui entraîna l’échec commercial du film. Le miracle Easy Rider ne se reproduira pas.
Une aura quasi mystique
The Last Movie, avec sa structure erratique, ses acteurs en roue libre,son montage mutilé et ses scènes largement improvisées conserve les stigmates de sa gestation sulfureuse, lui conférant une aura quasi mystique chère à son réalisateur. La vision démiurgique de Hopper, consistant à filmer le faux tournage d’un western presque vrai où les caméras ne filment rien mais où aucun revolver ne tire à blanc, constitue une idée de cinéma immensément belle qui n’aboutit réellement que dans la dernière demi-heure où le tournage d’un film devient une procession funéraire païenne proprement hallucinatoire.
Portrait à charge d’une industrie hollywoodienne diffusant un american dream contrefait, qui, en s’exportant au sud du continent américain tourne au vinaigre, The Last Movie est paradoxalement une déclaration d’amour au cinéma, une réflexion douce et dingue sur la perception et sur la croyance, aveugle et déraisonnée, en la fiction.
On ne saurait considérer The Last Movie comme un chef-d’œuvre du cinéma américain tant son accouchement douloureux laissa d’importantes cicatrices sur son résultat final, mais il n’en demeure pas moins un film fascinant, témoin testamentaire d’une époque lointaine où Hollywood pouvait enfanter des films aussi fous.
The Last Movie de Dennis Hopper (E.-U., 1971, 1 h 48, reprise)
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