Un puissant brûlot antiraciste par le grand manitou de la série B.
Le cinéma de Roger Corman nous a familiarisés avec les monstres de caoutchouc, les décors gothiques en carton-pâte, noyés dans d’épaisses nappes de brouillard, et le jeu expressionniste de Vincent Price, son acteur fétiche. Du cinéaste, grand manitou du cinéma de série B (voire Z), on connaît moins la fibre sociale et contestataire. C’est que The Intruder, puissant brûlot antiraciste sorti en 1962, fut l’un de ses rares échecs commerciaux ; une anomalie pour Corman, dont la carrière fut régie par un principe de contrôle des coûts et de la rentabilité censément infaillible.
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La ségrégation sudiste
Pourtant, The Intruder est peut-être l’une des œuvres les plus abouties de son auteur. Désireux de s’éloigner du cinéma de genre, Corman s’empare du sujet, alors brûlant, de la ségrégation dans le sud des Etats-Unis et signe
un film politique efficace, rehaussé par une mise en scène au cordeau, d’où rien ne dépasse.
Quatre ans avant d’enfiler la combinaison du capitaine Kirk dans Star Trek, William Shatner y incarne Adam Cramer, un mystérieux émissaire en complet blanc, venu semer le chaos dans la charmante bourgade
de Caxton, ontologiquement raciste, qui voit d’un mauvais œil
la récente loi d’intégration fixant un quota d’étudiants noirs dans les établissements scolaires. S’appuyant sur l’hostilité séculaire des gens du Sud à l’encontre des Afro-Américains, Cramer, en tribun d’extrême droite glaçant, va tout mettre en œuvre pour empêcher la loi d’être appliquée, quitte à recourir à la violence la plus déshonorante.
Avec ses accents documentaires, The Intruder dresse le portrait lugubre d’une Amérique sudiste et campagnarde, repliée sur elle-même, loin des préoccupations antiségrégationnistes de Washington. Mais Corman s’attache surtout à montrer la construction pernicieuse (puis la déconstruction salvatrice) d’un discours populiste rance, faisant son miel de la peur de l’autre. Près de soixante ans plus tard, la leçon tient toujours.
The Intruder de Roger Corman (1962, E.-U., 1 h 24)
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