Le retour de Michael Moore, pourfendeur drolatique des pratiques abusives des multinationales.“The Big One” n’est pas le sobriquet de Michael Moore, cinéaste corpulent qui donne de sa personne dans son film, mais le nom qu’il propose pour remplacer “les Etats-Unis d’Amérique”. Dix ans après Roger and me, documentaire décapant sur la fermeture de l’usine General […]
Le retour de Michael Moore, pourfendeur drolatique des pratiques abusives des multinationales.
« The Big One » n’est pas le sobriquet de Michael Moore, cinéaste corpulent qui donne de sa personne dans son film, mais le nom qu’il propose pour remplacer « les Etats-Unis d’Amérique ». Dix ans après Roger and me, documentaire décapant sur la fermeture de l’usine General Motors de la ville de Flint, cette star de la contestation sociale américaine reprend son combat de David néogauchiste contre le Goliath capitaliste. Après une fiction vasouillarde (Canadian bacon), Moore a écrit un livre humoristique, Downsize this! (Réduisez-moi ça !), où il pose la question suivante : à l’heure où les entreprises du pays affichent des bénéfices record, pourquoi le travail devient-il de plus en plus précaire ? Downsize this! devenu un best-seller, Michael Moore entreprend une tournée de promotion dans quarante-sept villes des Etats-Unis et fait le siège des entreprises locales, demandant des explications sur les fermetures d’usines et les licenciements sans préavis. Tourné au débotté, The Big One est le récit de cette croisade : un road-movie picaresque, rythmé par des tubes pop-rock des seventies, entrecoupé d’extraits de one-man shows satiriques de Moore. Excellent comique, celui-ci égrène des anecdotes hilarantes entre autres, comment il a créé des associations comme « Les cultivateurs de haschisch d’Amérique », qui ont envoyé des chèques aux candidats à la présidentielle 98. Lesquels, Clinton en tête, ont encaissé ces dons sans scrupules…
Le rire n’est qu’un élément d’une agit-prop par laquelle Moore dénonce le mythe du plein emploi et démontre ce que cache la baisse du taux de chômage aux Etats-Unis : une paupérisation généralisée de la population. Mais Moore n’est pas seulement un provocateur patenté, il ne se contente pas d’asticoter les puissants, comme Pierre Carles, pour se faire valoir. Il se préoccupe réellement du sort des gens modestes, réconforte une femme qui vient d’être licenciée, rend visite en pleine nuit sur un parking à un groupe d’employés de librairie réunis clandestinement pour monter un syndicat. Et puis, The Big One a des vertus purement informatives : absence de salaire minimum en Amérique, couverture sociale défaillante, collusion des grands syndicats et du patronat, détournement par les entreprises des aides gouvernementales pour l’emploi, utilisation de prisonniers payés au rabais par les multinationales, etc. Au cours de son expédition, Moore trouve les portes closes, on lui envoie même la police. Aucun chef d’entreprise n’accepte de le recevoir pour justifier ses délocalisations ou ses dégraissages abusifs. Seul Phil Knight, pdg de Nike, patron branché démago, joue le jeu. Hélas, malgré sa bonhomie, Knight incarne les pires dérives capitalistes, trouvant légitime d’employer des Indonésiens de 14 ans. Nike porte bien son nom. Au cours de ce film, on oscille constamment entre le rire et l’indignation. C’est vraiment là la force de Moore, qui pourfend ce qu’il appelle le terrorisme capitaliste en se servant des recettes du divertissement à l’américaine.
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