Un réalisateur étiqueté nineties s’essaie sur le tard au cinéma d’horreur et réussit un singulier exercice de found footage sur fond de contamination virale.
Il n’y a guère plus que la série B pour produire ce genre de films miraculés, ces accidents heureux sur lesquels personne n’aurait parié. Dans le cas de The Bay, tout semblait ainsi être joué d’avance, condamné par un cahier des charges pour le moins inquiétant : soit un film de commande piloté par les producteurs de Paranormal Activity et confié à un auteur étranger au cinéma d’horreur, l’ancien wonderboy des années 90 Barry Levinson (Rain Man, Des hommes d’influence).
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Pour ne rien arranger, le contrat stipulait une économie très légère et un impératif de forme : tourner en found footage, suivant cette mode des faux films amateurs dont la popularité se vérifie régulièrement au box-office.
La réussite de The Bay vient du tour de force paradoxal réussi par Barry Levinson, qui a choisi d’assumer ces contraintes tout en les dynamitant un peu. Sans jamais se soucier de l’idée de vraisemblance propre au found footage, le film multiplie les artifices (voix off omnisciente, flash-backs, ellipses, musique en continu) pour raconter l’histoire d’une catastrophe écologique survenue dans la ville balnéaire de Claridge.
Une journaliste, en charge de la narration, y a été témoin de l’hécatombe provoquée par des parasites marins, les isopodes, d’affreuses petites bestioles qui se sont infiltrées dans les eaux polluées de la ville et ont contaminé tous ses habitants – ce qui offre au film quelques furieuses saillies gore.
A partir de cet argument plausible, traité avec un sérieux quasi documentaire et un ton de manifeste politique, la grande force de The Bay est d’épouser lui-même la forme d’une contagion par les images : via les écrans de surveillance, smartphones, webcams, et même endoscopes, le film édifieun complexe réseau de points de vue, suivant en temps réel la propagationd’un virus invisible.
Ce captivant motif de la viralité, Barry Levinson l’applique également à son récit, chaque nouvelle fenêtre de caméra menant à une histoire inédite dans une mosaïquede portraits où se croisent micro- (les confessions d’une adolescente victime des isopodes) et macro-événements (un complot ourdi par les autorités sanitaires). C’est ici, dans sa dimension proliférante orchestrée par un montage limpide et l’écriture habile – quoique très classique – de Barry Levinson, que The Bay trouve la vraie mesure de son effroi.
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