Les tribulations d’un Tibétain. Une œuvre simple et forte aux partis pris de mise en scène rigoureux.
Tharlo, surnommé Petite-Natte, un berger tibétain, est contraint de se rendre dans une ville proche pour obtenir une photo d’identité. De là se déroule une aventure sociale et émotionnelle, où l’homme fruste, naïf et sans problèmes, découvre la complexité et l’absurdité du monde moderne.
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Une fable morale qui a des qualités ethnographiques indéniables, quoique, dans ce rare film tibétain, ce soient avant tout les partis pris radicaux de la mise en scène qui sont remarquables. Employant exclusivement le noir et blanc et le plan fixe (souvent frontal), découpant très peu, le cinéaste joue de façon optimale sur la profondeur. Au lieu de raconter une séquence par les mouvements de caméra et le montage, il laisse les éléments (surtout humains) qui la composent faire vivre le plan par leurs déplacements – ou parfois par leur impassibilité.
Le principe n’est pas nouveau mais il est saisissant dans le contexte, où un seul plan large, mutique et statique, peut remplacer un dialogue animé. A la ville, Tharlo rencontre une jeune et jolie coiffeuse qui ne tarde pas à flirter avec lui (par calcul plus que par attirance). Il semble réticent, affiche une certaine indifférence. Mais le film montre et dit autre chose lorsqu’on voit Tharlo au loin qui fume, de l’autre côté de la rue – point de vue de la jeune fille qui l’observe à travers la vitrine de la boutique de coiffure. Lui aussi la regarde, mais sans plus. Les apparences sont imperturbables et le trouble sous-jacent, car ce plan-séquence anodin a un rôle pivot dans la narration.
Cette économie de moyens, en dehors de son authenticité et de son exotisme évident, est la grande force du long métrage de Pema Tseden. La concentration, le caractère épuré et le jeu ludique avec la profondeur (de champ) de ce drame presque pince-sans-rire en font un film modèle.
(Chine, 2015, 2h03)
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