La trajectoire d’un père et de son fils, épigones d’un monde de winners. Mais sous le libéralisme, la dépression rôde. Un premier film troublant.
Une fable lucide et cruelle sur notre beau monde néolibéral moderne. Jérôme vient de se faire licencier et veut monter sa propre société de vente de chaussures en gros. Son fils Ugo voudrait devenir joueur de tennis professionnel. Laura, l’épouse et mère, est “femme au foyer”.
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Pour son premier film, Stéphane Demoustier dessine deux trajectoires d’ambitions, où sport et businessse font écho, comme dans la novlangue managériale ou le milieu sportif contemporains. Si Jérôme et Ugo ont des visées individualistes, ils sont aussi père et fiston : ils jouent en double messieurs, se motivent mutuellement en une relation à la fois parallèle et symbiotique. Laura est exclue de la partie et en nourrit une dépression violente, malgré les multiples cadeaux de Jérôme : scène forte de la énième paire de chaussures offerte, qui ne remplacera jamais une vraie vie de couple. Le vrai “couple”, c’est le père et le fils, team masculine dans un monde où, de plus en plus, il faut avoir des couilles, être un battant, un compétiteur, un winner. Gagner sa vie est un sport de combat.
Par sa matière tressant l’intime et le sociétal comme par son réalisme sans apprêt, Demoustier s’inscrit dans le sillage des frères Dardenne (avec une moindre puissance), impression renforcée par la présence en majesté d’Olivier Gourmet, comédien assez extraordinaire. Il incarne ici un père à la fois affectueux et inquiétant, nounours et guerrier obsessionnel, pas si éloigné de celui de La Promesse.
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