Une époque indéterminée et un pays imaginaire sur les rives de la Méditerranée. Et pourtant un regard acéré sur une société où règnent le flou et la post-vérité, la nôtre.
Terminal Sud est un film entièrement fait d’échos. Echos historiques, géographiques, cinématographiques : il n’enregistre la réalité que passée par ce filtre, ce qui le rend étrange, flottant, distendu, mais aussi entêtant. Avec ce sixième long-métrage, c’est encore et toujours la même histoire que raconte Rabah Ameur-Zaïmeche : une histoire de violence et de résistance, d’Etat contre l’individu, et d’individu qui trouve dans la communauté son salut. On y suit un médecin qui n’a d’autre nom que Docteur, comme si sa fonction le subsumait. De fait, il est dévoué corps et âme à son travail, soignant inlassablement, au risque de sacrifier sa vie privée, et bientôt peut-être sa vie tout court, lorsque la police militaire lui reproche d’avoir aidé un terroriste.
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Ramzy Bedia excelle en Docteur
Le film se déroule à une époque indéterminée, dans un pays imaginaire, dont la seule certitude est qu’il se situe sur les rives de la Méditerranée. Ce pourrait bien sûr être l’Algérie, mais c’est tourné en France (entre Marseille et Nîmes) ; ce pourrait être de nos jours, mais ce qui s’y passe rappelle la décennie noire des années 1990, voire la guerre d’indépendance ou la colonisation. C’est en tout cas un film de notre temps, celui de la post-vérité et du grand flou qui définit désormais tout conflit armé – et l’on sait ce que les guerres modernes doivent à la “contre-insurrection” théorisée par les généraux français durant la bataille d’Alger en 1957. Il n’y a plus aucune certitude, plus aucune loyauté, plus aucune sécurité. Juste un étau qui se resserre, implacable.
C’est donc dans cet enfer que vit le Docteur, interprété par Ramzy Bedia. Dans pratiquement tous les plans, il excelle. Lui aussi est quelque peu flottant, fidèle au régime général de mise en scène instauré ici par RAZ. Mais son jeu, qui a renoncé au rire sans se départir d’un caractère dégingandé burlesque et de ces grands yeux d’enfant qui l’ont toujours défini, allège et adoucit tout ce qui pourrait par ailleurs peser, ramener le film à terre.
Le réalisateur de Bled Number One et Dernier Maquis a toujours affectionné les zones grises, les entre-deux, les obliques et les épopées buissonnières filmées comme si de rien n’était. Or ici, peut-être parce qu’il se confronte à son plus grand démon, cette violence endémique qui l’a fait quitter son pays d’origine, il lui arrive par moments de s’embourber. Comme s’il était à court d’énergie. Et c’est son comédien principal (aidé de seconds rôles irréprochables, à commencer par Slimane Dazi) qui semble le tirer à chaque fois du fossé, pour mener le film à son terme particulièrement émouvant.
Terminal Sud de Rabah Ameur-Zaïmeche, avec Ramzy Bedia, Slimane Dazi, Djemel Barek (Fr., 2019, 1h36)
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