Un film de gangsters iranien alerte et irrévérencieux.
Cela devient une tendance, et une bonne : dans l’altermonde cinématographique se développe un nouveau cinéma de genre, une autre façon, plus indirecte, d’évoquer les réalités sociales et politiques de ces pays qui font plus souvent la une de l’actu que celle de Cannes.
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Après le bon Casanegra, polar marocain, l’excellent Ajami, gansgter-movie israélo-palestinien, et en attendant le superbe et melvillien Shekarchi de l’Iranien Rafi Pitts, voici le très bon Téhéran, qui propose un regard sur l’Iran battant en brèche non seulement l’imagerie Ahmadinejad, mais celle aussi du ciné iranien habituel.
Tourné dans des conditions clandestines, comme Les Chats persans, ce film de Nader T. Homayoun mélange en l’occurrence plusieurs genres : polar urbain, mélo social, comédie à l’italienne, néoréalisme. On y suit plus particulièrement le quotidien de trois copains montés à Téhéran pour y gagner leur vie. En guise de job, ils n’ont trouvé qu’une situation de baby-sitter au service d’un réseau de trafic de bébés.
Il y a une part de noirceur tragique au fondement du film, puisque cette idée de mafia particulièrement ignoble est puisée dans la réalité de l’Iran contemporain. D’autre part, le fait que les mafias pallient les manques des Etats et des politiciens est un paradigme planétaire.
Nos trois personnages sont donc des figures tragiques, des victimes contraintes d’exercer les boulots les plus ignobles pour survivre. Mais sur ce terreau sombre poussent néanmoins des germes de comédie.
Les trois antihéros sont du genre “vitelloni”, des pieds nickelés du crime, aussi malhabiles et naïfs qu’attachants. Le réalisateur montre maints détails de leur vie quotidienne, depuis leurs désirs de réussite jusqu’à leur coquetterie vestimentaire en passant par leurs rapports aux femmes.
L’un des trois, malingre et arborant de grosses lunettes, fait penser au Spike Lee chaplinesque jouant dans ses premiers films. Une scène de mariage célébrée par un mollah mais interrompue par la sonnerie d’un portable donne une idée de l’humour irrévérencieux et du ton ironique épiçant le film.
Comme Bahman Ghobadi et Rafi Pitts, Homayoun brosse aussi un tableau prenant et singulier de la métropole iranienne.
Tenant à la fois de l’urgence documentaire des Chats persans et des ambiances nocturnes de Shekarchi, Téhéran montre les interstices urbains, les hangars clandestins, les ruelles à l’écart des grands axes, mais aussi la nuit téhéranienne, ses lumières et ses néons.
Comme toute grande ville, Téhéran est une scène idéale de polar. Mais elle est unique comme lieu de cohabitation et de confrontation entre un régime politico-religieux rigide et une population nourrie de pop-culture mondiale qui aspire à plus de liberté.
Tant par ce qu’il est que par ce qu’il montre et raconte, Téhéran est l’un des beaux fruits de cette situation de crise politique, et une bonne nouvelle pour le cinéma.
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