20 ans après le premier épisode, le cinquième opus de la saga « Taxi » a troqué son esprit black-blanc-beur post Coupe du monde 1998 contre une comédie d’action qui manque de sympathie, de joie et de tendresse populaire
Bon, donc c’est raté. Le sobrement titré Taxi 5 (sous d’autres auspices, on aurait pu avoir droit à du T.A.X.I. – Next Generation, ce genre de trucs), rebooté par le pourtant très sympathique Franck Gastambide, ne fait pas recette des ingrédients repris aux anciens épisodes de la saga chapeautée par Luc Besson : un tandem flic et voyou, Marseille en fond peint, et une 407 blanche pimpée dévalant autoroutes périphériques et ruelles du Panier à la poursuite de gangs de cartoon.
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Bad Boys de Marseille
Pourquoi ça ne marche pas ? Déjà, à cause d’un manque d’inspiration dans l’actualisation de la saga. Les trois-quatre caméos contemporains saupoudrés par Gastambide (le supporter-youtubeur René Malleville apparaît en gérant de bar, l’esplanade du Mucem accueille le braquage central, le maire écoute du Jul et, évidemment, il y a des vannes sur Uber) ne suffisent pas à dissiper l’impression de voir le film capitaliser mollement sur le patrimoine de la saga. Et pire encore, révéler toute sa poussière, tous ses petits grincements de machine rouillée, ainsi sortie à la va-vite des cartons, à l’image d’un Bernard Farcy ânonnant ses gueulantes (« alerte généraaaale ») au point de bientôt s’infliger une grave inflammation de la gorge.
Mais si ça ne marche pas, c’est aussi et surtout à cause d’un problème de sympathie, de tendresse populaire, de joie transmise, une incapacité à faire vivre l’arrière-fond de Taxi avec cette humeur de vacances qu’inspiraient contre toute attente les, disons, deux premiers épisodes de la franchise. L’absence de Samy Naceri, qui a refusé de se contenter d’une apparition et ne s’est pas gêné pour tailler quelques costards à la nouvelle équipe, avait déjà installé une mauvaise vibe ces derniers mois. Mais elle se précise aujourd’hui avec en réalité un autre absent, et plus important encore : soit le paysage populaire et social, la France de 1999 qu’on sentait pulser derrière Taxi qui rattrapait tous ses défauts de grossière machine comique.
Feel-bad-movie
On ne va pas redécrire tout le contexte, mais il faut rappeler à quel point la France qui a vu triompher Taxi, qui a imprimé dans tous les esprits le visage rayonnant de cet as du volant prénommé Daniel, interprété par un métis franco-algérien, et offrant à l’objectif son grand sourire dans un maillot des Bleus, était celle de la coupe du monde 98, d’une représentation temporairement radieuse du vivre-ensemble, des banlieues, des liaisons communautaires françaises.
Si Taxi 5 ne prend pas, c’est fondamentalement parce que Gastambide n’arrive pas à lui réinsuffler cette espèce de ferveur populaire joyeuse. Le climat social s’est durci, et ces nouveaux héros ont l’air désespérément isolés. Le film n’a plus à lui cette galerie de troisièmes, quatrièmes rôles, presque de figurants qui en assuraient la gaieté de fond, l’humour permanent. Il ne peut plus partir de la même France, dont Marseille était sans doute l’emblème, et soudain c’est toute une recette de comédie d’action feel-good qui s’effondre.
Nanarland
De quoi Marseille est-elle d’ailleurs devenue le territoire, en lieu et place de cette France black-blanc-beur dont elle était il y a vingt ans l’incarnation ? De rien d’aussi puissamment symbolique, mais peut-être un peu du nanar, récemment. Car au même moment, Netflix continue de faire fructifier la série Marseille malgré, au plutôt grâce aux déversements de moqueries qui lui pleuvent dessus à chaque nouvelle saison, assurant sans le savoir la promo du géant du streaming – « bad publicity is publicity » et personne ne le sait aussi bien que Netflix. Bingo : elle vient de se trouver un jumeau de cinéma qui prendrait presque des airs de spin-off comique.
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