Une suite tardive et téléphonée qui essaye à peine de cacher son statut de coup de cash.
On mesure, il est vrai, le succès d’un film au nombre de ses tickets vendus en salles. Mais on mesure sa légende et son accession au statut d’objet culte à l’aune de phénomènes plus intangibles, que les données chiffrées ne suffisent pas à authentifier : une expression immiscée partout et dont l’origine s’est perdue dans les mémoires, une drôle d’influence sur la popularité des prénoms, ce genre de trucs.
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Tanguy eut tout cela : les accros aux chiffres se rappelleront les 4,3 millions de spectateurs qu’il rassembla en 2001, mais les autres auront mieux en tête la façon dont il introduisit son héros dans les pages roses du Larousse (« faire son Tanguy », expression toujours usitée pour désigner les plus ou moins trentenaires infoutus de quitter le cocon parental), ou la désuétude dans laquelle il fit carrément fait tomber un prénom qui n’avait pourtant rien demandé (1226 attributions en 2000, 12 en 2017).
Aujourd’huiTanguy s’offre un autre accessoire incontournable du film culte : une suite aberrante dégainée quinze ans après la bataille, peut-être pour renflouer quelque caisse vide, en tout cas condamnée à s’épuiser à trouver quelque chose de substantiel à raconter avec des personnages qui n’ont plus rien à proposer, sinon leur vieillissement (d’ailleurs généralement, on se serait volontiers gardés d’en découvrir la couleur).
Suite non avenue
On connaît bien ce syndrome du comeback ridé (des Bronzés 3 à T2 Trainspotting), de la suite non avenue, mais il est d’autant plus cruel avec la comédie d’Étienne Chatiliez, supposément indissociable d’une sociologie de l’âge (le phénomène des adulescents), et donc complètement caduque et déchaussée dès lors que l’on ajoute 16 ans à celui de tous ses personnages.
Drôle d’idée donc que de retrouver Tanguy, 44 ans (et la même tête qu’à 28), dans ce nid parental qu’aucun élément crédible de scénario ne justifie de le voir squatter à nouveau, à l’occasion d’un rapatriement post-rupture. Tanguy est adulte, responsable, père d’une adolescente, mais l’idée lui prend de revenir chez papa et maman. De quoi nous parle-t-on ? À quelle réalité, à quel travers humain, Chatiliez tend-il le miroir de la comédie ?
L’ami du petit déjeuner
Réponse : à rien, puisqu’il est bien clair que cette histoire n’aurait jamais vu le jour si un certain film n’avait pas cartonné il y a quinze ans, et que Tanguy, le retour n’est pas tant le retour de Tanguy (le personnage) que celui de Tanguy (le film). Chatiliez ne s’y est pas trompé en consacrant tout son scénario à un surplace familier en quasi huis-clos : la répétition ad nauseam d’une scène, généralement de repas, plus précisément de petit déjeuner (sérieusement : un bon tiers du film a lieu au petit déjeuner, terrain privilégié de la cohabitation mal vécue depuis les bruits de biscotte de Vicky Krieps dans The Phantom Thread), où Tanguy confesse les yeux dans le vague qu’il s’apprête à rester un peu plus longtemps que prévu, sous le regard médusé de parents qui gobent leur salive dans une grimace.
C’est certes à eux qu’on doit laisser le crédit d’avoir empêché la barque de couler complètement : il y a un plaisir intact à voir Sabine Azéma dégainer ses excentricités, tirer la note juste d’une fantaisie pourtant extraterrestre, emmener dans son sillage un André Dussollier moins hors-cadre mais tout aussi débordant de candeur, de ruse et d’agitation. Couple bourgeois de caricature (golf, théâtre, extracteur de jus) et pourtant lévitant dans la grâce et la tendresse, qui fait presque une réponse aux époux Verneuil de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu (eux aussi en délicatesse quand il s’agit de cohabiter avec leur progéniture, tiens).
Mais ce plaisir ne fait jamais que vernir de bizarrerie, de poésie (même s’ils font défaut à ce genre de poids lourds de la comédie), un film auquel on rechigne à pardonner son inanité constitutive, presque assumée : un running gag photocopié en guise de scénario, l’incruste éternelle comme seul horizon comique. Que Tanguy revienne, admettons. Par contre on voudrait bien que Tanguy s’en aille.
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