“Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre.” Cet intertitre célèbre de Nosferatu le vampire pourrait résumer Tang le onzième, le nouveau film de Dai Sijie, cinéaste chinois qui s’était fait connaître il y a une dizaine d’années en réalisant Chine, ma douleur (prix Jean Vigo en 1989). Au premier abord, Tang le onzième […]
« Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. » Cet intertitre célèbre de Nosferatu le vampire pourrait résumer Tang le onzième, le nouveau film de Dai Sijie, cinéaste chinois qui s’était fait connaître il y a une dizaine d’années en réalisant Chine, ma douleur (prix Jean Vigo en 1989). Au premier abord, Tang le onzième est une fable qui raconte comment la légende, lorsqu’elle devient superstition, mène aux pires excès. L’action se déroule dans une région reculée du sud-ouest de la Chine, à une époque qui reste indistincte. Cette imprécision temporelle constitue, avec le scénario, l’une des qualités majeures du film pourtant assez inégal dans sa facture, notamment lorsqu’il se laisse tenter par le lyrisme. Un pont, ou plutôt une passerelle de bois, joue le rôle de frontière entre le temps présent, le modernisme, le savoir, la vie citadine et rationnelle, et le monde du passé, de la campagne, de l’ignorance, de la mort, des légendes et de la superstition. Au-delà de ce pont, lorsqu’on quitte la ville, on doit renoncer à toute espérance et à toute raison. Le film, tout en demeurant dans le réalisme, plonge alors dans l’imaginaire des contes. Lorsqu’on franchit le pont dans l’autre sens, pour retrouver le présent et la vie, on sait que, tel Orphée, on ne devra jamais se retourner. Tang, le héros, le onzième enfant de sa fratrie, le maudit, l’a franchi un jour, ce pont, décidé à faire une croix sur son enfance détruite par la superstition. Car les villageois sont persuadés que la chair d’un monstre, le « poisson-môme » (une salamandre géante) permet de soigner la lèpre, qui sévit alors. Seul le dixième enfant d’une fratrie composée de cinq filles et de cinq garçons peut vaincre le monstre. En naissant, Tang avait empêché la légende de s’accomplir. Des années plus tard, il apprend que son frère aîné, aimé et haï à la fois, est atteint par la lèpre. Tang, qui a neuf enfants et dont la femme est à nouveau enceinte, accepte de s’en retourner sur la terre de ses ancêtres, persuadé qu’il peut enfin réussir là où son père avait échoué à cause de lui. Il ne pourra pas échapper au piège sacrificiel et fatal qu’on lui a tendu. L’histoire bégaie, il est déjà trop tard, la malédiction se perpétuera une nouvelle fois. Mais ses enfants parviendront à retraverser le pont, au-delà duquel le mal et les fantômes ne peuvent plus vous atteindre.
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